Il y a les films marquants, ceux qui laissent une empreinte dans l'esprit du spectateur et des souvenirs limpides même après plusieurs années sans visionnage. Lawrence d'Arabie fait incontestablement parti de ceux là. On pourrait même le considérer comme maitre étalon. Je pense que chacun à le sien, en tout cas se serait surement le mien.
J'ai découvert ce film très tôt, vers 8 ou 9 ans, et je le considère comme le premier film m'ayant réellement marqué. Après ça je ne l'ai plus revue pendant des années, mais j'en avait toujours des images très nettes. L'image d'une prison turque dirigée par le plus inquiétant officier du sultan. Dans un registre différent l'image des chefs arabes se déchirant quelques heures après avoir pris Damas. Ou encore l'image d'un Peter O'Toole hagard massacrant les soldats ottomans en fuite, poursuivis par un Omar Sharif desespéré par son impuissance s'écriant "Aurens! Aurens, arrête c'est insupportable!".
C'était sans doute pas de mon âge, mais étonnamment ce n'est pas l'extrême violence de certaine scène que je retiens en premier. Ce sont les images splendides du désert, sublimées par la partition parfait de Maurice Jarre. Pas la peine de décrire davantage, tout le monde connait cette musique, et ces images de Peter O'Toole perché sur son chameau, perdu dans un océan de poussière.
Et que dire de la spectaculaire bataille d'Aqaba, qui ne sera surpassée que 40 ans plus tard par Peter Jackson, avec des moyens techniques autrement plus conséquent.
Alors forcément, quand on aime un film à ce point on s'intéresse à tout ce qui l'entoure. Et pour le coup je trouve que le personnage de Thomas Lawrence est des plus fascinant. Un simple officier de liaison entre l'armée britannique et ses alliés arabes qui se voit attribuer une mission qui changera la face du proche et du Moyen-Orient. Rien que ça. Envoyer un petit lieutenant pour soulever les tribus de la péninsule arabique contre l'empire ottoman. C'est dire le peu de cas que faisait les britanniques du destin des peuples arabes, et le très controversé accord Sykes-Picot ne fait que le confirmer.
Certain diront génie de la diplomatie, d'autre pervers manipulateur. On peut penser qu'il se battait vraiment pour offrir l'indépendance aux tribus arabes qu'il admirait, ou alors que c'était un hypocrite fini. Qu'il soit considérer comme un héros de la première guerre mondiale ou un imposteur opportuniste ça n'a pas d'importance. Qu'il ait été ou non homosexuel n'en a guère plus, mais il faut se souvenir qu'il a fini ses jours reclus car les soupçons devenaient trop pesant.
Bien sûr il ne faut pas considérer Lawrence d'Arabie comme la biographie parfaite de cet homme hors du commun. David Lean prend beaucoup de liberté avec la réalité historique. Il a même fait retoucher le scénario original pour le romancer davantage. Mais au moins grâce à lui tout le monde connait le nom de cet homme qui fut l'un des plus influent du début du 20e siècle. Et comme le dit le général Allenby dans ce film : "Dans cent ans il faudra aller dans un musée militaire pour savoir qui était le général Allenby, tandis que tout le monde connaitra le nom de Thomas Lawrence".