Pour son deuxième documentaire, Ava DuVernay se penche sur la problème judiciaire vis à vis de la population afro-américaine aux U.S.A. Vaste question. Et pour cause puisque ses racines remontent aux racines de l'Histoire américaines, avec en point central le fameux 13ème Amendement abolissant l'esclavage. Comment en est-on arrivé aujourd'hui à des statistiques plus qu'édifiantes sur la population carcérale (40 % de noirs derrière les barreaux alors qu'ils représentent 13 % du peuple américain) ?
À la rigueur, on pourra reprocher l'incomplétude du propos, qui laisse un peu de côté les discriminations à l'embauche ou le mythe autour de l'égalité des chances. Pour autant, la justesse du propos est incontestable. Et Ava DuVernay a le bon goût de ne pas se montrer partisane. Le constat dresse un portrait au vitriol de la classe politique, démocrates autant que républicains. Comment pourrait-il en être autrement alors que les disparités persistent malgré quelques réformes sociales, obtenues au prix de longues batailles et de lourdes pertes ?
Comme l'indique le militant et ancien détenu Glenn E. Martin, les solutions proposées depuis un demi-siècle tiennent au mieux du bricolage et ne proposent pas de changements sur le fond. Or, il s'agit bien là du seul terrain viable pour qu'une évolution significative germe. Un avis unanimement partagé par les témoignages face caméra d'historiens, sociologues, avocats ou sénateurs. Les 100 minutes du film permettent d'aborder le problème avec pédagogie et humanité. Et de lever le voile sur les pratiques destructrices d'un organisme tel que l'ALEC (American Legislative Exchange Council), qui cultive le cynisme et le conservatisme avec un taux de floraison inimaginable.
L'occasion de réveiller les consciences sur les projets de lois nocifs présentés à la pelle au niveau législatif, et qui contribuent à creuser les inégalités entre les races ou classes. Et de rappeler l'importance de l'Histoire pour comprendre l'engrenage perpétuel dans lequel s'enferme un pays qui s'en raconte sûrement trop.
Un beau geste militant d'une heure quarante.