Le deuxième film du cinéaste russe à la mode depuis ses incursions au festival de Cannes est à mon humble avis son plus réussi.
Atmosphère lourde et rythme lent caractérisent ce bannissement qui oscille entre Tarkovski et Bergman.
La beauté des images couplée à la symbolique font la force du cinéma de Zvyagintsev. Cette dernière ne prend jamais le pas sur le réel, elle peut ainsi répendre son message sans déformation ni adaptation artificielles. Le quotidien, la réalité sont présents et assumés. Le symbole permet à l'humain de voir son âme s'incarner. De l'arbre à l'eau purificatrice, ce n'est là que pour illustrer les conséquences des choix répétés de l'homme. Peu importe l'omniprésence de ce symboles, l'histoire se suffit bien à elle même si le spectateur n'adhère pas.
Zviaguintzev dépeint un couple en proie à une crise majeure révélatrice d'une incommunicabilité tragique.
Il reste fidèle à son comédien et au chef opérateur de son premier film Le Retour. Le role d'Alex vaudra à Konstantin Lavronenko le prix d'interprétation à Cannes. Sa présence physique, son charisme avait déjà impressionné dans le rôle du père étrange et inquiétant du Retour.
Face à son épouse
Véra est une femme perdue. Aimante, trop compréhensive, elle se retrouve dans une situation qui nécessite le soutien, la présence de son homme.
En lui exposant les faits, elle refuse de lui imposer un choix et le laisse complètement libre de ce dernier.
Là l'incommunicabilité au sein du couple montre toute son ampleur.
Lui fera avec ce qu'il a, sans chercher à comprendre.
La scène entre mère et fille qui refuse son surnom d'enfant pour revendiquer son identité propre montre que l'affirmation de soi est une étape indispensable que la mère n'a pas franchie.
Elle essaie de lui parler, de s'exprimer. Ils s'aiment. Il l'écoute mais n'entend pas.
Il fait le mauvais choix puis le mauvais choix et encore le mauvais choix. Il se fie aux apparences, aux codes du monde violent auquel il est lié par sa famille mais face au choix, il prend sa décision sans se fier à celle qui ne lui impose rien. La gradation du tragique est en marche, l'inéluctable prend corps dans les mots et les regards d'Alex.
La dernière partie, monstrueux flash back centré sur Véra montre à quel point il est passé à côté. D'elle, de ses attentes, du problème, de la solution.
Si elle avait voulu/su guider son choix ; si lui avait pris en compte ses demandes... L'inéluctable aurait été évité.
La liberté est au cœur du métrage. Celle du spectateur, celle d'Alex mais Véra, à trop respecter celle des autres oublie non seulement la sienne mais ne s'autorise pas à exister. La tentative silencieuse de poser ses limites n'aboutissent qu'à un malentendu dramatique.