Le barrage est un film assez déconcertant, on ne verra que peu le barrage du titre (voire quasiment pas), ça se passe sur fond de révolution soudanaise (qu'on ne verra pas non plus), les personnages fabriquent des briques en boue pour construire quelque chose... qu'on ne verra pas...
Mais le plus déconcertant c'est qu'on est face à un film fantastique puisque le personnage principal construit une sorte de statue, ou golem, ou je ne sais quoi, au milieu du désert, statue qui semble prendre vie. Et on sort du film avec plus de questions que de réponses. D'ailleurs on n'a absolument aucune réponse sur rien... Ce qui en fait l'un des films les plus intriguant qui soit.
Il oscille entre un profond réalisme, quasiment documentaire, sur la fabrique de ces briques, sur le travail de ses ouvriers en plein soleil qui moulent, transportent ces briques... Et ces mêmes mains qui façonnent la boue pour faire donc ces briques en échange d'un salaire, se mettent à façonner la boue pour créer cette créature. Difficile de ne pas voir un lien entre les deux actions, celle de la création à la chaine, impersonnelle, et celle qui semble avoir une âme, qui est unique, qui peut disparaitre, qui peut s'abimer, qui émeut...
Je ne sais pas s'il faut voir là uniquement une métaphore de la création artistique... mais en tous cas c'est l'une des pistes à explorer je pense.
Une autre voie intéressante serait la mise en parallèle de ce peuple qui rêve de libertés, qui renverse son gouvernement et la progressive évasion de son personnage principal, que l'on voit de moins en moins au travail et de plus en plus loin de tout, avec sa statue, en train de créer ou de rêvasser.
Le fait que le film lance des pistes, où c'est le spectateur de faire le travail, de voir ce qu'il en tire lui, permet au film de ne pas juste délivrer un discours sur les conditions de travail au Soudan et d'avoir une certaine richesse thématique.
En tous cas j'ai trouvé le film assez fascinant, intrigant et avec quelques images marquantes du travail au Soudan. En plus étant donné que le film est très court, le mutisme des personnages, l'extrême lenteur n'ont pas le temps de lasser le spectateur, même s'il n'est pas habitué à ce genre de proposition. Le film parvient à se renouveler et ça en fait un film est pas aussi inaccessible qu'il pourrait bien paraître.