Le Bateau des ténèbres est un téléfilm, et cela se ressent. Il est bien sûr possible de le comparer avec d’autres productions, mais se moquer gratuitement de certaines de ces faiblesses est assez malvenu.
Commandé par la chaîne Sc-Fy, pas encore SyFy, le film fait partie des premières années de création de films originaux qui durera près de 20 ans, piochant dans les différents genres du fantastique, de l’horreur et de la science-fiction. Avec des réussites diverses.
Lost Voyage, de son petit nom original pas plus original que le titre français, va voguer lui sur les eaux du fantastique et du paranormal. Une expédition profite d’une tempête pour enquêter sur le SS Corona Queen, navire porté disparu depuis 25 ans et seulement réapparu sur les radars. Au sein de l’équipe, Aaron Roberts, physicien et chercheur sur le paranormal, pour qui cette découverte est professionnelle mais aussi personnelle: ses parents étaient du voyage. Une équipe de télévision l’accompagne, avec la journaliste Dana, le cameraman et l’arriviste Julie. Trois marins et mercenaires vont se charger de les emmener et de les protéger à bon port, sous la direction du peu commode commandant David Shaw.
Très old-school dans son déroulement, le film de Christian McIntire (qui après quelques films peu marquants continuera sa carrière dans les effets spéciaux) peut se découper en deux parties, avec la mise en place avant que la seconde partie ne vire plus vers une certaine angoisse paranormale. Et puisqu’il est y question de fantômes, la première apparition d’un ectoplasme se situe précisément au milieu, c’est dire si c’est chronométré.
Certains films qui reprennent ce déroulé ont parfois bien du mal à tenir cette première partie, faisant piétiner le spectateur qui attend la suite des événements. Garder ses meilleurs effets pour plus tard est aussi une manière comme une autre d’économiser quelques sous.
Dans Le Bâteau du voyage, cette première partie est inférieure à la suivante mais ne se regrette pas trop, car le film en profite pour développer ses personnages, pour mieux aussi exploiter leurs attentes mais aussi leurs personnalités. C’est assez rare pour le souligner, mais les dialogues sont aussi très bons, à la fois naturels dans leur contenu mais aussi très évocateurs des caractères de chacun. Un petit coup de ciseau n’aurait tout de même pas été de trop, notamment dans les coulisses internes de la chaîne de télévision, mais au moins les personnages présents ont de la matière. Et même s’ils ne sont pas particulièrement originaux, les acteurs qui les font vivre ont pour certain une certaine expérience du métier, comme Lance Henriksen ou Jud Nelson, tandis que d’autres débutent mais auront leur petite carrière, plus généralement dans la télévision.
La mise en scène est elle aussi convenable, même si elle a cette patine très télévisuelle. Au moins dans la première partie, elle reste avant tout fonctionnelle, principalement composée de gros plans et de plans américains. Mais puisque ce sont alors les acteurs et leurs rôles qui sont à l’honneur, ce n’est pas trop grave. La photographie reste très télévisuelle, très éclairée, assez typique de ces productions pour des télévisions qui devaient être vendues sans réglages de la luminosité. La deuxième partie baissera un peu l’intensité, mais le Bateau de la peur ne fait décidément pas partie de ce genre de films qui vous feront avoir peur du noir.
Cependant, avec cette seconde moitié, le métrage prend un rythme de croisière plus séduisant. Le spectateur s’y attendait déjà avec les mentions autour du triangle des Bermudes, mais l’angoisse commence à s’installer. Cette localisation ou la présence de fantômes ne sera pour autant pas l’excuse d’un déferlement de scènes choc, bien au contraire. Le film prend son temps et n’oublie pas ses personnages, mais les mystères présents attisent la curiosité. Là encore, il y a certaines faiblesses, avec certaines séquences en trop comme certains flashbacks, quelques tentatives de faire sursauter un peu vaines. Mais il suffit d’une scène avec une bonne idée et de bons acteurs pour la jouer pour que l’intérêt reprenne sa route.
D’autant que, sans sombrer dans la démesure, la réalisation se permet un peu plus d’audaces, avec quelques plans un peu plus originaux, basculant parfois légèrement la caméra, jouant sur la lumière, tout en restant lisibles. L’ensemble permet de créer une œuvre qui arrive assez bien à cultiver une ambiance mystérieuse et suffisamment inquiétante, d’autant plus qu’elle se passe le plus souvent d’effets spéciaux. Certaines morts (car il y en aura, bien entendu) apparaissent ainsi presque naturelles, sans l’intervention visible des esprits frappeurs.
Il est regrettable par contre que les décors ne sentent pas assez l’iode et le désespoir, avec probablement certaines scènes en studio, le lieu manque parfois de personnalité. Difficile d’imaginer qu’il s’agissait d’un navire de croisière. Ce dernier est parfois représenté sur les flots, mais il s’agit d’une création numérique assez flagrante. Une bonne vieille maquette sur les flots déchaînés d’un bac d’eau aurait fait l’affaire, à mon humble avis.
Sans chercher à s’imposer en son temps comme une nouvelle référence, Le Bateau des ténèbres se révèle pourtant une bonne petite découverte, une production télévisuelle sans grand budget et parfois malhabile mais qui va pourtant chercher à offrir un film satisfaisant pour tous, pour l’équipe mais aussi pour le (télé)spectateur.
La bonne surprise est d’autant plus appréciable que le film tel que je l’ai découvert était en double DVD avec Le Clandestin, lui aussi qui se veut être un film d’horreur sur les flots mais qui est lui un nanar reconnu. Double fun qui mouille.