La collaboration entre la boîte de la souris et le cinéaste tant popularisé depuis Les Dents de la Mer, Steven Spielberg, ne remonte pas qu’à l’adaptation du roman de Roald Dahl. Au début des années 1980, Spielberg a développé son projet de suite à Peter Pan, Hook, avec les studios de la compagnie de Walt Disney, mais finalement l’accord n’a pas abouti et après plusieurs obstacles de parcours, le cinéaste a accouché d’un presque suite qui fut bâché par la critique mais énormément apprécié par le public et eu sa place à la cérémonie des Oscars.
C’est avec ce film que la première collaboration entre Spielberg et Disney a définitivement lieu. Mais à l’image de A la poursuite de demain de Brad Bird sorti en 2015, et malgré une présentation hors-compétition à Cannes, Le Bon Gros Géant suit tristement le même chemin en terme de box-office puisqu’il est délaissé par le public américain (et pendant ce temps, le très probable navet de Illumination, Comme les bêtes engrange un paquet de pognons… y’a vraiment un truc qui va pas dans ce monde). Le pire c’est que l’échec commercial du film semble se justifier pour des raisons semblables au film de Brad Bird sorti l’an dernier.
Chacun, ici Spielberg, propose un film léger et plus naïf à une époque ou le public est adepte aux films sérieux et post 11 septembre, et ne semble plus accorder autant de valeur qu’avant aux divertissements familiaux plus simple. Et visiblement, chez Disney, il est plus de coutume de voir les réadaptations de classique que les projets originaux ces dernières années.
Chose désolante quand on voit à côté de quoi la majorité du public américain passe. Néanmoins, si j’ai passé un bon moment devant Le Bon Gros Géant et que j’apprécie voir Disney et Spielberg, la claque n’était pas présente. Pour ce qui devait être son grand retour au divertissement familial, il y a de nombreux éléments qui rendent ce BGG améliorable.
Steven Spielberg raconte l’histoire du film comme si il racontait, à sa manière, le conte pour enfant de Roald Dahl. Cela se sent par deux choses, l’écriture de ses personnages finalement assez simple voir volontairement manichéen. Et ensuite par la légèreté qui ressort du long-métrage tout du long, tant par l’humour que par l’ambiance. Deux points qui sont assumé du début à la fin et qui font assez oxygénant par rapport aux blockbusters récent parfois trop sérieux et lourd. Mais qui pose problème plus d’une fois.
A commencer par le fait que le BGG et Sophie, aussi sympathique puissent-ils être lors des moments intimistes qu’ils partagent, sont au final simple. Pas désagréable, ni mal écrit, ni inintéressant non plus, juste simple et du coup je me suis jamais senti très impliqué émotionnellement, ce qui rendait certains dialogues ou passages assez long et étirés. J’ai été émerveillé par moment comme le personnage de Sophie en découvrant l’arbre des rêves, mais je me suis jamais mis à la place du personnage pour autant puisque son personnage pourrait se retrouver dans n’importe livre pour enfant de qualité acceptable peu importe son prénom. Et c’est assez bête parce que Ruby Barnhill est adorable à souhait et très bien dirigée tout le long du film.
De même pour Mark Rylance en motion-capture, les traits faciales de l’acteur étant très bien retranscrit par la modélisation de la capture physique et étant assez marrant avec son papotage bizarre de géant. Par contre ce qui m’a parfois fait sortir du film, c’était le doublage français de Dany Boon. Si par moment sa voix passe très bien, à d’autres on sent qui est derrière le micro et que ce n’est pas un comédien de doublage, et ça un peu handicapant.
Le reste des comédiens jouant les autres géants sont tout aussi crédibles et se prêtent pleinement au jeu de ces géants mangeurs d’homme plus malodorant et mal élevé les uns que les autres. De même pour Penelope Wilton en reine d’Angleterre ou Rebecca Hall dans un rôle beaucoup plus tertiaire.
Spielberg n’a jamais vraiment eu de problème pour la direction d’acteur, tout comme dernièrement le cinéaste a soigné l’imagerie de ses films que ça soit dans le cinéma d’auteur ou le divertissement familial avec son adaptation de Tintin. Janusz Kaminski, son chef opérateur attitré, soigne minutieusement, une fois de plus, la photographie du film ainsi que les éclairages, en particulier dans la demeure du Bon Gros Géant.
A vrai dire le visuel est ce qui fait la grande force de ce Disney Live, pas seulement avec la motion-capture mais aussi par la fluidité du filmage, toujours aussi excellente, de Steven Spielberg. A chaque fois qu’on est au pays des géants, le réalisateur filme son histoire du point de vue de Sophie avec une caméra toujours très fluide, fidèle à la qualité de la réalisation de ses œuvres. Le meilleur exemple étant
un plan-séquence dans la salle de travail du BGG lorsque les autres géants mangeurs d’homme cherchent Sophie,
l’immersion marche pleinement à cet instant grâce à la grandeur d’échelle du film réduit à celle d’un humain miniaturisé par rapport aux géants.
De même pour le reste des effets spéciaux, souvent créatif grâce à l’idée de matérialiser les rêves sous forme de lucioles également agrandi au royaume des géants. L’arbre à rêve (présent dans la bande-annonce) étant l’instant le plus réussi du film, l’émerveillement atteint pleinement le spectateur grâce à l’image et à la complicité entre Sophie et le BGG qui s’ouvrent l’un à l’autre et à la découverte du spectateur à travers les yeux de Sophie du métier de son ami.
La musique aide, elle aussi, énormément à rendre le côté conte pour enfant très enchanteur en plus d’accompagner parfaitement les images. On retrouve le style symphonique habituel de John Williams parfois proche d’autres de ses compositions comme pour Harry Potter, mais sans jamais tomber dans la repompe ou l’absence d’inspiration. Chaque morceau est plus agréable et reposant les uns que les autres, c’est d’ailleurs la plus grande réussite du film.
Par contre il est regrettable que la 3D ne renforce pas l’expérience, en fait elle est même très décevante par rapport à ce qu’on m’a vanté sur le Tintin de Steven Spielberg. Si quelques reliefs dés le début de film laisse un peu d’espoir, la 3D reste souvent très plate et n’apporte rien de plus que ce que la réalisation de Spielberg nous propose déjà, alors que de nombreux passages auraient gagné à être perfectionné avec cette technologie.
De plus, ce qui aurait pu être un grand retour au divertissement familial n’est finalement, comme pour Elle de Paul Verhoeven sorti plus tôt cette année, qu’un retour réussi mais sans être un gros coup d’éclat. Le vrai défaut du film étant qu’en plus d’avoir du mal à nous impliquer émotionnellement pour les personnages, elle n’arrive pas à se détacher de sa fidélité au roman qu’elle adapte. A la fin du film, on se dit que c’était un très joli conte, juste très joli mais qu’on aurait pu en demander beaucoup plus.
Car lorsque Steven Spielberg tente d’ajouter un peu de noirceur au film, ça tombe à l’eau immédiatement puisqu’on n’y croit à peine vu que Le Bon Gros Géant s’évertue à rendre son histoire poétique et féérique pour envoûter son public, ce qu’il fait très bien mais par conséquent, la notion de gravité n’a pas sa place et le film aurait dû se limiter à la notion de voyage plutôt que de tomber dans un combat manichéen. Résultat, il n’y a pas de sentiment d’enjeu et cela est parfaitement représenté dans le climax :
Non seulement le combat pour capturer les géants est beaucoup trop courte, et en plus vu qu’ils sont tous réduit à des antagonistes manichéens pour un conte pour enfant assumé en Live, impossible de croire que Sophie ou BGG risquent d’y rester. Surtout qu’on a vu quelques minutes plus tôt que la réunion d’attaque au château de sa majestueuse reine d’Angleterre était plus réduit à une série de gag lors du repas qu’une vrai réunion (quant au gag sur le pet… j’avoue avoir rit aux éclats puisque le gag n’était utilisé que 2 fois en un peu moins de 2 heures de film et qu’ici ça ne résumait pas qu’à une vanne potache sans chute, et qu’avant cela le reste des gags marchaient bien puisque ça n’en faisait jamais trop et que le rythme restait raccord avec le reste du film).
Dommage qu’on en arrive finalement à cette conclusion puisque pour le reste, la relation entre le BGG et Sophie fait une grande partie du boulot dans cet univers, le tout étant souvent attendrissant et assumant sa naïveté. Bien qu’on n’atteint pas la palpitation de Les aventures de Tintin : le secret de la Licorne ou de Hook.
Quoiqu’il en soit : Le bon Gros Géant reste un très convaincant blockbuster, et un Disney Live, largement profitable et séduisant comme Spielberg en a généralement proposé, et je conseil vivement de tout mettre en œuvre pour limiter son flop. Le fait que ce film soit plus naïf que les blockbusters actuels et se veut plus léger joue en sa défaveur au box-office américain, mais ne mérite pas pour autant de se planter. Tout ce que je peux conseiller, c’est d’aller le voir en nombre.