La relation entre Steven Spielberg et les Studios Disney a toujours été très compliquée. Tantôt associés (Qui veut la peau de Roger Rabbit ainsi que ses 3 courts-métrages produits par les Walt Disney Animation Studios), tantôt concurrents (les dessins animés de Don Bluth pour ne citer qu'eux), les deux noms vendeurs de rêves ont toujours été la marque de grands divertissements populaires, chacun à leur manière. Il était pourtant inévitable qu'un jour ou l'autre, une nouvelle collaboration plus sérieuse voit le jour, Spielberg ayant toujours gardé son âme d'enfant et n'ayant jamais caché son amour pour les premiers longs-métrages de L'Oncle Walt.
Alors que ses derniers films, Cheval de Guerre, Lincoln et Le Pont des Espions ont été tous les trois distribués par Touchstone Pictures, Spielberg fait à nouveau appel à la boîte aux grandes oreilles pour son projet d'adaptation du roman de Roald Dahl: Le Bon Gros Géant, et ce presque un mois après le début du tournage. Le BGG - Le Bon Gros Géant devient donc le premier film Disney réalisé par Steven Spielberg bien qu'il ne s'agisse pas là d'une commande du studio mais d'un film voulu et totalement contrôlé par le réalisateur d'E.T: L'Extra-Terrestre et de bien d'autres chefs-d'oeuvres.
Ce nouveau film de Steven Spielberg est dans la digne continuité de sa phase actuelle: Le retour à des projets moins sombres, plus familiaux et grand public tout en évitant l'académisme.
Pendant 1h57, le maître incontesté du cinéma replonge en enfance et nous avec lui dans une aventure très naïve et enfantine dont le voyage sera des plus magiques et des plus merveilleux.
Ce qui est à la fois la force et la faiblesse du long-métrage.
Visuellement, Le BGG - Le Bon Gros Géant est, comme tous les derniers films de Steven Spielberg, une petite perle. Nous n'avions plus vu une photographie aussi colorée et magnifique depuis bien des années chez le réalisateur d'Indiana Jones. Que ça soit le monde humain ou le Pays des Géants, les couleurs sont savoureuses et la richesse des décors éblouie le spectateur. En particulier la résidence du BGG, fournie d'objets et d'inventions variées, dont le gigantisme est parfaitement représenté par de longs plans-séquences souples et légers.
Grâce à la performance-capture quasi-parfaite sur tous les acteurs, les nombreuses interactions avec les décors et une réalisation fluide et superbe, le Pays des Géants dépeint par Spielberg est vivant. Il ne ressemble pas à un fond numérique tout moche où rien ne bouge et où rien n'est naturel, chaque passage dans ce monde est un délice qui nous fait retrouver notre âme d'enfant. La meilleure scène étant sans aucun doute celle à l'Arbre des Rêves. Tout y respire la beauté, la liberté et le merveilleux. Impossible d'y résister. Et le tout est superbement accompagné par la bande-originale enchanteresse de John Williams.
Mais tout aussi attachant, mignon et beau que soit Le BGG - Le Bon Gros Géant, il lui manque une petite chose malheureusement assez importante: L'émotion.
Si le duo du film composé de Mark Rylance et de la mignonne Ruby Barnhill nous fait sourire pendant tout le long-métrage, il n'y a jamais d'empathie vis-à-vis d'eux, la petite Sophie n'ayant aucune exposition, aucune motivation, elle en devient presque creuse, tout juste sauvée par son caractère trempé et têtu.
On en vient au point qui fâche: L'absence totale de noirceur. Spielberg nous montre uniquement un monde tout beau, tout joli où rien de grave ne peut se produire et où la tension et la peur n'existent pas, empêchant le spectateur d'être pleinement investi. On n'a pas peur pour Sophie quand elle est enlevée par le BGG, on ne ressent rien quand le BGG raconte l'histoire du petit garçon et surtout, on ne ressent jamais les rares éléments sombres du film.
Le pire (et seul) exemple étant
les Géants allant dans le monde humain pour manger les enfants. En plus d'arriver trop tardivement, il m'a fallu attendre la toute fin pour comprendre que ces méchants gobeurs les avalaient tout crû. Un seul plan dans tout le film y fait référence et les héros ne parlent quasiment pas de ça en plus de ne pas du tout être choqués. À croire que le film a peur de montrer ou d'expliciter de la violence à l'écran. En minimisant l'impact de cette scène, la seule excuse de Spielberg pour remplir les deux heures du film est d'allonger la séquence chez la Reine, tout simplement interminable bien que plutôt drôle
.
Le BGG - Le Bon Gros Géant aurait pu être un très grand divertissement si seulement Steven Spielberg avait trouvé un meilleur équilibre entre la naïveté et la noirceur au lieu de supprimer purement et simplement cette dernière. On ne peut qu'être frustré de voir ce défaut dans la filmographie du réalisateur, lui qui avait toujours su éviter ce genre d'erreurs.
Mais ce n'est pas pour ça que je boude mon plaisir. La frustration est là mais pas la déception. Car Le BGG - Le Bon Gros Géant m'a fait rêver! C'est assurément un des films familiaux les plus soignés de l'année et j'ai été le sourire aux lèvres pendant toute la séance.
C'est un Spielberg mineur mais un Spielberg réussi.