Quand on évoque Steven Spielberg et Melissa Mathison dans une même phrase, on ne peut penser qu'à E.T. L'Extra-Terrestre, ainsi qu'à la portée universelle des sentiments qu'il convoque. Le BGG - Le Bon Gros Géant, peut apparaître comme un reflet strictement inverse de son illustre aîné. Même solitude enfantine, même rencontre fabuleuse, même exploration d'une amitié hors-norme.
Mais ce serait oublier que Le BGG, c'est avant tout un petit bouquin pour enfants de Roald Dahl, comme Charlie et la Chocolaterie ou James et la Grosse Pêche, qui ont déjà connu la joie de l'adaptation grand écran. On devine que Spielberg s'est emparé de son projet comme l'aurait fait un grand enfant, avec gourmandise, dans une sorte de récréation et de détente. Occasion de porter sur pellicule un sujet léger. Trop peut être, étant donné ce que l'on attend d'un film de Steven Spielberg.
Celui-ci ne perd rien de son cinéma, loin de là. Sa caméra est toujours là, rendant le monde du BGG féérique et ses couleurs chatoyantes. Elle offre de superbes séquences, comme celle au bord du lac, à côté de ce majestueux arbre aux rêves, ou encore celle de la recherche de la petite Sophie par les géants qui investissent la maison de son ami.
Spielberg s'attache avant tout à dessiner, comme dans E.T., une amitié étrange et jolie, touchante et irréelle, au plus près du bouquin de Dahl. Le film se suit sans ennui, mais quelque chose, en moi, m'a dit que j'étais devant un Spielberg mineur, même s'il est loin d'être raté. Comme si, comme le géant, j'entendais une voix lointaine, mais distinctement. C'est que Le BGG souffre tout d'abord d'une rencontre parfois laborieuse qui affecte le rythme du récit de manière durable. Il a beau par la suite enchainer les moments de rire, de tension, ou de superbes séquences d'effets spéciaux, rien ne semble y faire, tant cette impression reste tenace.
Mais surtout, Le BGG échoue malheureusement, malgré Steven Spielberg, malgré Melissa Mathison, à renouer avec ce qu'avait réussi à susciter l'extra-terrestre tout ridé qu'ils ont fait évoluer bien avant leur géant. Plus précisément avec son caractère universel et transgénérationnel, expression de son statut de classique intemporel, de chef d'oeuvre immortel. Spielberg, en effet, peine à dramatiser ses enjeux, à hisser son BGG au delà de son statut de film pour les (seuls) enfants. Il ne semble, ici, ne s'adresser qu'à eux, en partageant leurs préoccupations, leur vision du monde, la pureté et la simplicité de leur pensées, ou encore leur humour parfois pipi-caca. Si Behind a parfois rigolé, ce rire régressif est à l'image du dernier film de l'ami Steven qui ne dépasse jamais sa condition, ni son statut d'adaptation littéraire.
Car si la fidélité est au rendez-vous, on se dit parfois malheureusement que certains éléments, font tiquer quand ils passent à l'écran alors que l'on n'y prêtait pas attention quand ils étaient couchés sur papier, alors que dans le même temps, Spielberg avait pourtant réussi à retranscrire la poésie de ce géant débonnaire, chasseur et passeur de rêves solitaire un peu mélancolique, tout comme l'atmosphère de conte et de culture enfantine dont Dahl est l'une des sources principales.
Spielberg arpente finalement une nouvelle fois le monde de l'enfance, en portant sur lui un oeil bienveillant et sincère, le temps de deux heures de métrage qui renoueront avec la féérie et une certaine simplicité, pour peu que le spectateur que gamin que nous étions ne se soit pas enfui, pensant que même les plus grands ont parfois, eux aussi, des coups de moins bien (un peu).
Behind _the_Mask, qui se saoule à la Frétibulle.