L’une des choses que je préfère dans la vie, c’est de faire une belle rencontre. Il ne faut y voir aucune arrière pensée grivoise dans cette affirmation, juste le plaisir de rencontrer une personne, un univers, une autre vision de la vie, qui vous fait reconsidérer la votre et vous pousse au partage. C’est exactement ce qui s’est produit avec Claire Simon. Cela reste dans le domaine purement virtuel, bien évidemment. Il a pourtant suffit de deux films pour, qu’elle me cueille, ou m’accueille, c’est selon, et me fait dire, comme on le fait d’une amitié naissante, nous avons peu de souvenirs en commun, pourtant je me souviens déjà de tout ce que nous allons vivre.


Elle m’avait laissé en 2013, dans la « Gare du Nord », aussi perdu et triste que Reda Kateb, bouleversé par l’absence d’une Nicole Garcia enfin retrouvée. Ici elle m’a pris presque par la main, susurrant de sa voix un peu voilée, promenons-nous dans les bois. La ballade facilitant la balade, en totale confiance, je l’ai suivie.


Autant avec « Gare du Nord » la fiction courtisait la réalité, autant avec « Le bois dont les rêves sont faits » cette même réalité a des allures de fiction. Le bois se transformant tour à tour en agora festive, en sanctuaire, en refuge, en air de loisirs ou de plaisirs interdits. Au film des saisons se sont autant de personnalités qui se croisent ou s’évitent, cohabitent ou s’affrontent, formant une population plurielle autour d’une nouvelle Libertalia. Une colonie bien ancrée dans le réel, qui cherche à fuir quelques heures ou tout une vie, l’âpreté de l’urbain, si proche.


On pourrait reprocher à Claire Simon de ne s’attacher ou de véhiculer les préjugés. Le bois propice à la prostitution, lieu de drague ou de voyeurisme, de performances sportives, ermitage des douces folies… d’avoir choisi une certaine facilité. Il n’en est rien. Sa motivation première (on ressentait cela très fort aussi dans « Gare du nord ») est l’individu, non pas ce qu’il représente, mais ce qu’il est. Et c’est là toute la richesse de ce documentaire. Pas une personne rencontrée, ne laisse indifférent. 995 hectares de bois, générateurs de réflexions intérieures, de paroles libres, de larmes mal dissimulées, de rires, de revendications, de passions, ou tout simplement de fascination, celle de la réalisatrice, permanente, ou celle des employés du parc émerveillés tels des enfants devant le ballet amoureux de deux tritons. C’est cette simplicité, cette authenticité qui marque.


De Daniel qui balaie les allées, aux chambres de presque plein air improvisées, d’Antonio fou de pigeons, de Nathalie la fille d’émois, de nuit, de jour, l’été, l’hiver, Brice, Laetitia, le dormeur seul au monde qui cache ses trésors dans un sac en kraft, du souvenir d’un père mort au Cambodge… Claire Simon donne à ce microsome une tonalité poétique, tout autant que politique, un reflet sociétal, où les codes se reproduisent dans une autre dimension, plus humaine, dépouillée d’artifices.


Et si le film vers la fin tend à s’enliser un peu, cela n’est rien au regard de toutes de ces belles rencontres faites, l’espace de quelques instants, et cette sensation d’avoir vécu une expérience unique et des plus enrichissantes. C’est un peu comme si d’un coup l’âme venait à cacher notre forêt d’indifférence. Claire Simon est décidément une belle personne !

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le 16 avr. 2016

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Fritz Langueur

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