Le bon apôtre rappelle dans son premier acte The Wicker Man. Un rapprochement qui coule de source, les deux mettant en avant un personnage de la ville confrontée à une secte. Gareth Evans met rapidement en action sa mise en scène racée et stylisée, pour nous faire épouser la déstabilisation qui s’empare de Thomas au moment de rejoindre une contrée qu’il redoute. Les plans sont instables, raccordent sur son point de vue pour faire naître un sentiment d’inquiétude lors de son arrivée dans le village. Evans n’est pas le genre de réalisateur porté par le classicisme. Il préfère largement aborder ses histoires sous un angle viscéral, nous plonger dans l’action en tentant de retranscrire des sensations par le visuel pour créer un lien étroit entre son personnage et nous. Ses émotions rejaillissent sur la façon dont la caméra existe. On pense à la scène où Thomas pénètre dans sa chambre pour la première fois. Une scène somme toute banale, que le réalisateur emballe avec des panoramiques brutaux pour manifester la panique qui s’empare du nouveau-venu. Et nous la ressentons physiquement. Les exemples dans ce sens se propagent de manière régulière durant les deux heures, démontrant qu’Evans ne fait pas un cinéma tiède.
Ce thriller qui se repose sur le mystère se métamorphose durant son déroulement, devenant un film d’horreur et fantastique aux éléments surprenants. Le mieux étant d’en savoir le moins sur le tournant que prend le scénario dans la seconde partie pour se prendre sa folie en pleine figure. Le Bon Apôtre se rapproche du très récent Aucun homme ni dieu, aussi sorti sur Netflix, pour cette aptitude à nous plonger dans un univers sombre où le mysticisme règne. Le plus intéressant, outre une ambiance très réussie, est de voir comment Gareth Evans ne renie pas sa mise en scène dynamique avec un tel sujet. Également scénariste, il trouve le moyen d’amener sa narration dans des endroits où il peut étaler son style. On pense forcément aux combats de The Raid lorsqu’il fait s’affronter au corps à corps deux personnages dans une maison avec la même fureur, une chorégraphie brillamment orchestrée et des plans percutants qui subliment chaque coup porté à l’adversaire. Evans prouve encore qu’il sait filmer des bastons avec une inventivité rare.
Comme toujours chez lui, le Bon souffre autant que le Méchant, n’importe qui peut mourir. Il dépeint un monde où la violence règle les conflits mais à un prix parfois cher à payer. Le film n’est pas avare en brutalité, ce qui lui vaut une belle interdiction au moins de 18 ans, offrant des plans gores qui font mal. Une violence qui aurait pu être un obstacle dans le cadre d’une sortie cinéma lambda. Ce qui n’est pas le cas sur une plateforme comme Netflix, laissant les auteurs aller dans la direction qu’ils le souhaitent et nous évitant une version édulcorée. Son cinéma est traversé par une bestialité qui ne peut éclater que parce que sa stylisation lui confère tout son impact.
S’il est un excellent filmeur, Gareth Evans n’a jamais brillé par son écriture – Un film comme The Raid permettait plus de laxisme de ce côté. Le bon apôtre montre qu’il sait construire un univers avec son folklore mais qu’il a plus de mal dans la gestion de ses personnages. En particulier les secondaires, gérés inégalement dans leur développement. La romance esquissée ou les relations entre les fondateurs de la secte demandaient un approfondissement pour affermir la narration. Également on notera que le dernier acte est aussi longuet que brouillon. Mais Le bon apôtre est une proposition de cinéma atypique, un objet hybride à la croisée des genres entre le film de secte et le film d’horreur rude, dans lequel Gareth Evans continue d’étendre son style brutal en toute liberté. Pour notre plus grand bonheur.
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