Et pour 200.000 dollars de plus...

Dernier volet de la trilogie de l'Homme sans nom, "Le Bon, la Brute et le Truand" est de l'avis de tous un classique du western. Si j'en gardais un excellent souvenir depuis mon adolescence, je vous avoue avoir été très surpris par mon récent visionnage...

Tout d'abord, il faut savoir que le héros de ce film, c'est Eli Wallach, et non pas Clint Eastwood. Physiquement, il rappelle l'Indien du film "Et pour quelques dollars de plus", mais son personnage est plus comique et plus sympathique (cf. la scène dans le monastère). Tantôt revanchard, tantôt touchant, Tuco n'est pas un truand par vocation : livré à son destin dès l'âge de 10 ans, il n'a simplement pas eu le choix pour survivre dans un monde emprunt de violence.

Clint Eastwood n'est donc pas la vedette principale du film, mais cela n'est pas vraiment choquant car c'était déjà le cas dans le précédent western de Sergio Leone. Toujours aussi peu loquace, il se fait cette fois-ci appeler "blondin" par Tuco et passe une bonne partie du film à mâchouiller son cigarillo et à jouer du fusil pour se faire quelques milliers de dollars. Bien qu'imperturbable dans la plupart des situations, il fait régulièrement preuve d'ironie et s'avère même capable de compassion lorsqu'il rencontre un soldat mourant. Sa relation avec Tuco fait quant à elle tout le sel du film, entre haine viscérale et amitié de façade. Notez enfin qu'il n'est pas vêtu de son fidèle poncho marron pendant les 4/5èmes du film, et que sa barbe pousse au fur et à mesure de l'avancement du long métrage...

Dernière star de l'affiche, Lee Van Cleef joue le rôle de Sentenza, un tueur à gage cruel et sans pitié. Alors qu'il était omniprésent dans "Et pour quelques dollars de plus", il est ici très discret, et n'apparaît que dans certaines scènes clés du film. Sympathique et désintéressé dans le deuxième volet de la trilogie eastwoodienne, il incarne ici un véritable salopard à l'opposé de son précédent rôle. Difficile par conséquent d'avoir la moindre empathie pour cette brute qui tuerait père et mère pour 500 dollars...

Le reste du casting ne comporte pas vraiment de noms connus : on retrouve pas mal d'acteurs aperçus dans "Et pour quelques dollars de plus", mais aussi et surtout de nombreux inconnus qui possèdent de vraies "gueules". Sales, mal rasés et bourrus, ces personnages font tout autant la légende de ce film que nos trois héros : on a beau savoir que c'est du cinéma, on y croit et on a vraiment l'impression d'être plongé dans l'Amérique de la fin du XIXème siècle. Regardez la scène d'introduction avec ce long plan sur un visage inconnu, et vous comprendrez ce que je veux dire...

Dans mon souvenir, "Le Bon, la Brute et le Truand" était donc un grand western avec 3 acteurs de légende, et si je me souvenais clairement de la dernière scène, j'avais complètement oublié que le film était à ce point ancré dans l'Histoire américaine. Les scènes relatives à la guerre de Sécession sont en effet assez nombreuses, et ce western ne se limite pas à de simples duels entre cowboys solitaires. Vous allez au contraire être plongé dans le conflit opposant confédérés et soldats de l'Union, et à moins d'être féru d'histoire américaine, on ne peut pas dire que ce soit franchement passionnant : nos trois héros deviennent eux-mêmes parfois passifs et spectateurs d'un conflit qui ne les intéresse pas vraiment, et quelques problèmes de rythme risquent de vous faire sortir du film. Cependant, ce conflit armé a aussi du bon : Sergio Leone a ainsi filmé une scène de bataille assez ahurissante, et quand on voit le résultat à l'écran, on se rend compte qu'il avait beaucoup plus de moyens pour ce western que pour les 2 précédents.

Au niveau de la musique, Ennio Morricone est à son zénith, et la longue course de Tuco dans le cimetière ne serait pas la même sans The Ecstasy of Gold (un thème par ailleurs bien connu des fans de Metallica puisqu'il ouvre tous leurs concerts depuis une trentaine d'années). Le doublage est par contre assez inégal : je possède le film en version longue, et vu qu'il dure une quinzaine de minutes supplémentaires, les personnages changent parfois brutalement de voix lorsqu'une scène a été rajoutée !

Plus sombre que "Et pour quelques dollars de plus", "Le Bon, la Brute et le Truand" est un film plus ambitieux, plus grand spectacle et parfois aussi plus ennuyeux. Mais attention, cela reste toute de même un chef d'œuvre : les scènes de pendaison, la bataille de la vallée, ou la scène du pont sont absolument réjouissantes, même pour des non-amateurs de westerns. Mais ce n'est rien à côté des 20 dernières minutes de folie, lorsque nos 3 comparses se retrouvent pour une inévitable confrontation finale : Sergio Leone et Ennio Morricone sont alors tous les deux au sommet de leur art, et il en résulte une scène qui figure au panthéon du cinéma, rien que ça.