Je me rappelle, au tout début d'Allociné, ce film était le seul à avoir 4 étoiles, tous les autres même les plus réputés n'en avaient que trois. Et il était le champion toutes catégories. Aujourd'hui encore, force est de constater que sa popularité n'a jamais faibli, et que peu de spectateurs, aux goûts sans doute trop conservateurs, ont détesté ce film. Et ça dure depuis 1966, ce film est intemporel ! C'est un sommet du cinéma, et il le restera à jamais.
Ce que je trouve absolument admirable chez Leone, ce qui fait qu'il est mon cinéaste préféré, que j'admire, c'est qu'il a réussi à s'emparer d'un genre vieux comme le cinéma, le Western, qui avait déjà ses lettres dorés à l'époque (John Wayne était encore vivant, et des films comme "Rio Bravo" ou "La prisonnière du Désert" étaient évidemment déjà sortis) pour en faire quelque chose de complètement différent, mêlant le réalisme au surréalisme, et arrive grâce à ce style ultra-précis et inimitable à donner une étiquette propre à la gestuelle des hommes de l'Ouest. Y' a qu'à voir, les mômes même imitent les fameux duels... Personne n'a jamais réussi à reprendre cette touche si particulière, avec un soupçon d'Italie et beaucoup de fantasme révulsé Américain. Leone a imposé ses propres codes, malgré les critiques, et a fait de ses films des œuvres de qualité absolument exceptionnelle. Il force vraiment le respect, ce mec !
Rien que dans les détails du "Bon, la brute et le truand", son génie se fait ressentir. Le titre déjà, apparu dans le rêve d'un des assistants du Maître... franchement, c'est badant, non ? Et je te dis pas le nombre de possibilités de parodies... c'est souvent à ça qu'on voit les chefs d’œuvres les plus efficaces. Absolument tous les autres personnages que le trio, malgré qu'ils ne font pas pour ainsi dire "réellement parti du film" (comme dans "il était une fois dans l'Ouest", où ils ne sont vraiment que quatre, là on peut dire qu'ils ne sont que trois à porter l'histoire), sont soit révoltants soit émouvants. Je pense autant au Caporal ultra-violent (scène de tabassage d'anthologie) qu'au frère de Tuco (scène magnifique, musique à chialer) ainsi qu'au Général alcoolique. Même les muets, comme les trois chasseurs de prime dans la scène d'ouverture (le premier plan est surprenant et jouissif) ou le soldat agonisant ont une puissance remarquable. Enfin, le générique d'ouverture, avec ses couleurs utilisées comme de la fumée, force l'admiration aussi.
La mise en scène, y' a rien à dire, tout simplement. L'accomplissement. L'apogée revient au Triel final (ma scène de cinéma préférée, avec celle de son film suivant), où, on peut le dire, la caméra fait littéralement l'amour avec son cadre et la musique. Le trio est extraordinaire, et est servi par l'une des meilleures histoires de l'histoire du cinéma. Tout est palpitant, et malgré sa lenteur et sa durée, c'est impossible de décrocher. On est avec eux, en compagnon silencieux et indirect. Les péripéties se succèdent avec toujours le même plaisir. Les acteurs s'en donnent à cœur joie, en particuliers Eli Wallach (qui apporte une vraie dimension jouissive de clown tragi-comique). Enfin, la musique culte d'Ennio Moriconne, frôlant la perfection. "Ecstasy of Gold" vaut son pesant d'or, en particuliers en concert où j'ai eu la chance de le voir: autant dire que c'était Byzance ! Les décors et les costumes sont également à signaler. Très soignés, très sauvages, rien n'est laissé au hasard. Mention spéciale au cimetière, véritable arène funèbre.
La quintessence du vrai western spaghetti, c'est incontestablement lui. Et je trouve ça dégueulasse pour les spectateurs de l'époque d'avoir dû subir une version si écourtée de ce film-fleuve (les distributeurs, arrêtez de juger à la place des spectateurs de ce qu'ils doivent voir, merde, on fait ce qu'on veut, si on a envie de voir un film qui dure quatre heure, on le fait !). En plus, ça retombe aussi un peu sur nous: les scènes réajustées avec des nouvelles voix, en tout cas pour la version française... évidemment, ça gâche un peu la projection. C'est dommage. Les cris des Marginaux dérangent toujours les imbéciles.