La fin des années 50 et la décennie 60 vont exacerber le style cape et d'épée, sous-genre du film d'aventure, en devenant une véritable spécialité française concurrençant dignement les fantaisies chevaleresques d'Errol Flynn ou de Stewart Granger à Hollywood. Ce qui manquait à Hollywood, c'est les décors réels de nos beaux châteaux, fleurons de notre patrimoine, et surtout une Histoire très riche et ancienne que n'ont pas les Américains, d'où une maîtrise du genre par le cinéma français populaire, mais de grande qualité. En effet, en puisant dans notre Histoire de France et la littérature, ce cinéma permettait non seulement d'utiliser de fabuleux décors de châteaux, mais aussi d'exalter des valeurs morales telles que courtoisie, galanterie, loyauté, courage, honneur sur de beaux dialogues en langage d'époque.
C'est exactement ce qu'on retrouve dans cette splendide adaptation du roman de Paul Féval, où la production multiplie le tournage en extérieurs, les costumes impeccables, les décors somptueux qui ne sont pas des châteaux de carton-pâte (tel celui du château de Pierrefonds qui figure les fossés de Caylus), et aussi elle impose du rythme, une intrigue romanesque, un aimable humour, une musique alerte signée Jean Marion et de beaux acteurs, avec en tête un Jean Marais impérial en Lagardère qui devient l'archétype du héros populaire dont la fonction est de faire triompher le bon droit.
C'est avec ce film que Jean Marais impose à l'écran en France ce type de rôle en cristallisant toutes les vertus, en mettant en pratique ses dons athlétiques et aussi sa remarquable maîtrise de l'escrime, en ferraillant avec les meilleurs cascadeurs de l'équipe à Claude Carliez.
En face de lui, il fallait un méchant de taille, et François Chaumette, grand comédien du Théâtre Français à l'époque, incarne à merveille un Gonzague mielleux et fourbe dès son apparition dans les fossés de Caylus. C'est donc du cinéma léger, pétillant, très divertissant et extrêmement soigné, et un régal de voir de beaux duels d'escrime (avec la fameuse "botte de Nevers") et un héros bien campé ; le remake de De Broca peut aller se rhabiller, bon faut dire que je suis un peu partisan et que ma note est haute, mais c'est surtout un merveilleux souvenir d'enfance que je revois toujours avec un vif plaisir, surtout avec le coffret DVD collector qui a bénéficié d'une superbe restauration. C'est un somptueux spectacle plein de panache avec une action simple, fertile en rebondissements, coups de théâtre, duels bien réglés et scènes sentimentales, auxquels s'ajoute la facétie dégagée par l'opposition Marais-Bourvil qui forment un duo mémorable. Je dirais même qu'avec ce film, on redécouvre le roman de Féval qu'on croyait connaître par coeur et dont l'inépuisable richesse trouve ici son juste équivalent cinématographique. Un véritable chef-d'oeuvre du ciné populaire français, symbole d'un genre à jamais révolu.