"Inspiré d'une histoire vraie". "Inspira La Casa del papel". Nous voilà prévenus. Entre fait réel et fiction fameuse, le film d'Ariel Winograd trace son sillon. Ce casse fut mené de main de maître en 2006, le vrai cerveau de l'affaire ayant même contribué au scénario du film, comme gage de sa crédibilité. Creuser un tunnel pour pénétrer dans une banque, d'accord, mais comment entrer dans la chambre forte ? C'est là l'idée brillante qu'aura Fernando : réaliser un holdup en plein jour pour que cette chambre forte soit ouverte, et utiliser le tunnel non pour entrer mais pour sortir. Et ça va marcher.

Si ce braquage attire la sympathie du spectateur comme il attira celle du bon peuple argentin, c'est d'une part parce qu'il n'y eut aucune violence, d'autre part parce que l'argent n'en est pas la première motivation. Du moins pour son "cerveau", un professeur d'arts martiaux qui veut surtout réaliser le geste parfait, tel un adepte de l'aïkido. Il ne prend d'ailleurs aucune précaution pour ne pas être identifié, contrairement à ses petits camarades : il raconte à son psy qu'il va faire un braquage, puis manipule les tiroirs des coffres à mains nues ! Une seule chose lui importe, réussir son coup. Il recrute pour cela des comparses, au premier rang desquels Mario, sorte de cambrioleur professionnel qui a quelques sous à investir dans l'opération. Classiquement, celui-ci affiche ses réticences, avant de se laisser convaincre par les bonnes idées d’un Fernando stimulé par la marijuana. Il fera merveille dans son rôle de négociateur, pour lequel il aura pris des cours de théâtre et compulsé un manuel spécialisé. Tout a été très bien pensé, de la machine à perforer les coffres en seulement 7 secondes à la digue établie dans les égouts pour éviter d'être poursuivis par la police. Alors que la négociation se poursuit et que la perforeuse s'enraye parce qu'elle chauffe, on a envie de crier à Fernando de laisser tomber les quelques coffres restants ! Mais notre homme n'entend pas faire les choses à moitié.

Une fois le butin réuni et partagé, que feront-ils de cet argent ? Peu de choses. Fernando part bivouaquer dans les montagnes, créchant dans une yourte, Mario boit du champagne dans son bain et offre un superbe bouquet de fleurs à sa fille qu'il n'a cessé de décevoir depuis des années, un autre offre pléthore de jeux vidéos à son fils, un troisième acquiert un VUS pour séduire une fille. C'est ce qui perdra la bande : sa femme, qu'il avait malencontreusement mis dans le secret de l'affaire, se vengera en le dénonçant aux flics. Eh oui, toujours se méfier des femmes n'est-ce pas, depuis le péché originel...

J'aurais pour ma part aimé que le braquage réussisse, pour sortir d'un schéma usé jusqu'à la corde. Certes, Ariel Winograd s'en tient aux faits puisque la bande fut en effet appréhendée. Les peines furent légères, grâce à l'absence de victime et l'utilisation d'armes factices - encore une bonne idée du "cerveau" comme s'il avait anticipé la chute. Grâce au bon traitement des otages aussi, un homme étant relâché pour cause de trop fréquentes envie de pisser, une femme pour son grand âge et parce que c'est son anniversaire. Mario prit plus cher à cause de la récidive - il venait de sortir de taule lorsque Fernando lui proposa le coup. Comme souvent au cinéma, on passe sur la réalité terrible de l'emprisonnement, simplement esquissée lorsque sa fille rend visite à Mario et qu'un détenu au loin l'interpelle agressivement. La scène d'entrevue entre les deux est bien trop longue, elle casse par son pathos le ton léger qui prévaut tout au long du film. Tout ce qui suit le braquage est d'ailleurs moins réussi : Winograd va jusqu'à montrer la scène cruciale, celle de la femme qui va dénoncer son homme à la police, sur fond de musique, façon clip. Un poncif de la réalisation.

Qui n'est pas le seul qu'on puisse déplorer : mentionnons l'entrevue sur les bancs d'une église ; les tensions entre coéquipiers avant le casse ; la révélation en regardant un ciel étoilé ; la relation père-fille marquée par l'incompréhension et l’affrontement ; la cible à un moment dans le champ de vision d'un sniper, qui en sort ensuite. Tout cela vous a un petit goût de déjà vu.

Reste que l'histoire est nimbée d'une légèreté bien agréable, qui colle de surcroît au sujet. Plus léger que réellement drôle, le film de Winograd fait preuve d'une belle fluidité. On appréciera la bande-son, entre la B.O. de Shaft (comme me le glisse ma compagne), et La panthère rose de Mancini en passant par Ennio Morricone. Le cinéaste a cherché davantage les clins d'oeil qu'une réelle originalité. C'est bien l'impression qui se dégage du film : une saveur agréable mais très peu singulière. Ce qu'on nomme un divertissement de qualité.

Jduvi
7
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le 12 janv. 2025

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Jduvi

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