Chaînon intéressant du cinéma action/policier HK, qui chez moi fait le lien entre les deux bouts des années 80, avec d'un côté "L'Enfer des armes" de Tsui Hark (1980) et de l'autre "Le Syndicat du crime" de John Woo (1986). Il y a des marques d'exagération typiques, pas de doute sur l'origine du film, mais sans sombrer dans les excès qui deviendront très désagréables par la suite. Et il y a en outre une touche d'originalité notable à travers l'histoire de ce gang chinois franchissant la frontière avec Hong Kong pour y entrer clandestinement et commettre divers coups, dans le but d'amasser de grandes quantités d'oseille et vivre leurs vieux jours riches de retour chez eux. Cette mission illustre une aspiration à une meilleure vie, avec des rêves d'argent facile que la vie hongkongaise fait miroiter comme un miroir aux alouettes, que je n'avais jamais vu auparavant.
En 1984 le polar made in HK n'est pas encore à son apogée, et Johnny Mak investit un registre sans cette composante spectaculaire (et excessive, à mon sens), loin de la grandiloquence et de la tonalité mélodramatique qu'on connaît si bien. Ici les protagonistes n'ont vraiment pas grand-chose qui tiendrait du héros, ils sont d'ailleurs interprétés par des acteurs non-professionnels il me semble, parfaits pour incarner cette frange de la population chinoise qui n'a plus rien à perdre en marge de l'expansion économique hongkongaise. De manière presque évidente, pourrait-on dire, les plans des criminels rêveurs ne se passeront pas comme prévu, et la Citadelle de Kowloon (une enclave chinoise, jusqu'à sa démolition au début des années 1990, avec une densité de population phénoménale, 1,9 millions hab./km² en 1987) offre un décor labyrinthique incroyable pour la séquence finale avec, entre autres, une grosse fusillade entre le gang et la police. Ambiance très surprenante en ces lieux qui laisse penser que beaucoup d'autres films auraient pu exploiter cet environnement si particulier et aujourd'hui disparu.
Il y a pas mal de détails qui clochent malgré tout, les histoires de trahison à répétition notamment, même si Mak ne s’en sort pas trop mal avec les écueils habituels du genre, mais ils sont contrebalancés par le vie empreinte de réalisme construite autour des personnages, quelques particularités (les vigiles indiens, la visite dans un bordel, les salles d'arcade glauques) et quelques scènes efficaces — l'assassinat du flic à la patinoire par exemple.