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Ce qui est formidable avec l’histoire du cinéma, c’est qu’on peut découvrir tout à coup, sans crier gare, un film qui nous paraît une curiosité, une perlicule, alors qu’en un autre temps et en un autre lieu il fut un énorme succès commercial. C’est le cas de "The Diamond Arm", qui comptabilisa 76,7 millions d’entrées lors de sa sortie en URSS et qui rapporta une somme comparable aux bénéfices générés par un blockbuster comme le Titanic de James Cameron. Guerre froide oblige, l’Europe occidentale a échappé à cet engouement impressionnant et, aujourd’hui encore, le film, considéré en Russie comme un classique, reste méconnu sous nos latitudes.

"The Diamond Arm", dont le générique nous indique qu’il a été tourné avec « une caméra semi-baladeuse », raconte les mésaventures de Gorbunkov, chef comptable aux poissonneries, qui, lors d’un voyage organisé à Istanbul, est utilisé malgré lui par des contrebandiers qui lui font croire qu’il est blessé et cachent des bijoux dans son plâtre dans l’espoir de les faire passer en URSS. Trompé par un certain Gesha, complice des bandits, avec qui il se lie sur le bateau, il finit toutefois par comprendre l’astuce et se met alors au service de la police qui le charge d’identifier les malfaiteurs. Outre le sémillant Gesha, gentleman retors qui chante et danse avec souplesse et décontraction, on trouve dans le film toute une galerie de personnages très typés, parmi lesquels le complice du bandit, brute grimaçante à sourcils roux, un béret toujours vissé sur la tête, et la responsable de l’immeuble locatif où vit le héros, harpie ombrageuse qui revend des billets de loterie à ses locataires (sous peine de leur couper le gaz) et s’écrie, ulcérée par la présence de canidés devant le bâtiment, que c’est le gérant d’immeuble et non le chien qui est le meilleur ami de l’homme… En voyant Gorbunkov, justicier bien malgré lui, rentrer à des heures indues et dépenser royalement l’argent que lui a confié la police pour sa mission, elle en attribue la cause à « la Dolce vita » et « l’influence délétère de l’Occident » contractée durant son voyage (elle confond d’ailleurs Istanbul et New-York…).

Les scènes amusantes se succèdent, d’une partie de pêche qui tourne mal à un chassé-croisé comique avec une prostituée turque jusqu’à un repas qui plonge le héros dans une ivresse carabinée devant un festin de gelinottes… Le spectateur habitué au cinéma (et à la télévision) russe reconnaîtra un procédé familier à cette cinématographie ainsi qu’à celle de plusieurs autres pays de l’Est : celle du doublage minimaliste. En effet, durant les scènes se déroulant à Istanbul, lorsque des personnages parlent turc, une voix neutre, une seule, double en russe l’ensemble des locuteurs sur un ton qui tient moins du théâtre que de la litanie monocorde.

On conseillera particulièrement ce film à ceux, et ils sont nombreux, qui se font du cinéma soviétique une image de grisaille et de morosité : rien de tel dans cette comédie au décor balnéaire et au rythme enjoué.
David_L_Epée
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le 17 mai 2014

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