Voici ici le mouvement d'expressionnisme, déjà en vogue en termes de peintures dont l'exemple le plus frappant est le Cri d'E. Murch (1893), propulsé à l'écran. Sous l'influence du cinéaste allemand Fritz Lang, qui était en charge du projet, ce sera finalement Robert Wiene qui héritera de la réalisation.


Pour nos amis passionnés d'art, il sera facile et évident de reconnaître tous les éléments qui figurent dans l'oeuvre de Wiene. Pour les autres, une brève énumération s'impose. Mais avant de parler profondément de l'aspect d'expressionnisme, il est de rigueur de se pencher un peu sur le scénario. Mis en scène d'une façon époustouflante, le scénario permet la compatibilité des 2 mondes dont l'un constitue le prologue de l'autre et permet un montage en flash-backs possibles. Car oui, il est important de signaler que ce type de construction était risqué et la symbolique des éléments permettaient cette compréhension.


On début le film par une scène entre 2 hommes, assis sur un banc dans ce qui semble être un jardin. Une femme passe devant eux. On peut déjà noter la richesse des valeurs de plans et le jeu de l'iris, très utilisé comme transitions ou pour marquer un élément important. Le cadre est bien composé, mettant toujours la caméra au milieu d'un décor où les acteurs défilent (comme le ferait un spectacle théâtral).


Ensuite, nous voilà propulsé dans un autre monde, celui des flashbacks. On passe alors d'un monde réaliste, carré, conforme à un monde fantasque aux courbes omniprésentes, aux décors farfelus et aux personnages profonds. On remarque alors les toiles jouant sur les perspectives et profondeurs de champ dans lesquels les objets sont peints sur les toiles. Ces courbes représentent les malheurs des artistes, dont l'expressionnisme tente de transmettre.


Le monde double, la folie et des sujets psychologiques et moraux sont les principaux thèmes de ce genre de film, totalement en opposition avec ceux qu'on pouvait voir jusqu'à présent (C. DeMille ou D.W. Griffith). Les personnages incarnent alors cette folie en la présence du Dr Caligari et de Césare, dont les traits sont marqués au maquillage gothique, accentuant ces moralités déjà évoquées.
L'héritage du théâtre est conséquent : la caméra est donc placée au milieu de la scène, apportant un plan le plus large possible pour assister à l'intégralité des actions, des décors peints nécessitant une restriction budgétaire des studios, un surjeu des acteurs et de leur expression et également le découpage du film en "actes".


Wiene signe là le prémices de tout un mouvement qui circulera dans toute l'Allemagne et un chef d'oeuvre du cinéma européen. Il dépasse par son ingéniosité de metteur en scène les superproductions éminentes d'Outre-Atlantique. Trouvant son style, Wiene réalisera quelques autres oeuvres, plus timides toutefois, dans la même veine.

HALLUciné
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le 9 juin 2017

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