Le cinéma est un art encore jeune aujourd’hui mais songez donc ! C’est en 1920 que sort Le Cabinet du Docteur Caligari, soit 25 ans après l’invention officielle du cinématographe. Autant dire qu’il date d’une époque où toute la grammaire cinématographique est à construire. Ce petit chef d’œuvre est connu comme étant le fer de lance de l’expressionnisme allemand. J’en vois un au fond de la classe qui, se grattant l’occiput, se demande bien ce que c’est que ce truc. Minute papillon, ça vient. Dans le film de Wiene, les décors occupent une place primordiale. C’est un enchevêtrement de murs obliques, de fenêtres aux formes étranges, d’espaces clos étouffants, de corniches dangereuses. Chacun de ces éléments appuie une lumière franche et tranchée, soulignée pas un certain nombre d’inscriptions ou de dessins bizarroïdes. Au fond, ce qui compte c’est l’expression par la sensation. Et bien l’expressionnisme, c’est ça. Un contraste permanent entre ombres et lumières dans lequel les ténèbres jouent avec la vertu et l’espoir. Pour comprendre la genèse de ce mouvement, il faut se rappeler le contexte. Il y a d’une part l’essor du mouvement Dada qui repose en gros sur des principes similaires et d’autre part la défaite de la première guerre mondiale qui coûte cher à l’Allemagne. Les studios berlinois comprennent vite que l’utilisation de symboles et le travail sur l’ambiance créeront l’émotion tout en étant moins coûteux que le grand spectacle. Le Cabinet du Docteur Caligari est le fruit de ce contexte en même temps qu’un formidable récit fantastique avec un twist final digne d’un Hitchcock des grands jours. Une heure et quart de bonheur inquiétant.