Le café du cadran est le premier film réalisé par Jean Gehret, un ancien acteur qui passera ensuite derrière la caméra jusqu'au bout. Pour ses débuts, il est assisté de Henri Decoin, pour une histoire au fond très simple ; celle d'un couple d'Auvergnats, joués par Bernard Blier et Blanchette Brunoy, qui s'installent sur Paris au sein du Café du cadran, situé près de la place de l'Opéra. On suit la vie trépidante de ce bar, où les heures ne comptent pas, les clients qui viennent de jour comme de nuit, avec ses habitués qui ne boivent pas que de l'eau, jusqu'au jour où l'épouse commence à se lasser de cette folle vie, et veut retourner à sa campagne.
Il est à noter qu'en-dehors du générique, un superbe plan où la caméra s'éloigne de la place de l'Opéra pour rejoindre ce fameux café, tout le film est tourné en studios. Comme pour montrer à quel point cet endroit rêvé, pour lui, devient une prison, pour elle. D'ailleurs, leur appartement se situe juste au-dessus. On y croise également une galerie d'acteurs pittoresques, comme Félix Oudart, un sosie de Raimu qui joue de la trompette dès 6 heures du matin, Pierre Sergeol en bookmaker ou Jacques Denoël en serveur amoureux d'une cliente.
Il y a quelque chose de Pagnolesque dans cette histoire, où le monde se résume à ce café, où Bernard Blier y est impeccable, sa bonhommie cachant une certaine noirceur, ainsi que Blanchette Brunoy, un vilain petit canard qui va soudainement devenir un cygne. C'est un film que n'auraient sans doute pas renié Claude Chabrol et Jean-Pierre Mocky tant dans le description d'un univers que dans le portrait des personnages. D'où le parti-pris (ou le budget) de ne rester qu'à 99,9 % dans un seul lieu, mais ça marche très bien. On peut regretter que la fin soit si vite expédiée, mais les derniers plans forment une boucle avec le début.
Quoiqu'il en soit, c'est un film agréable à voir, typique de la gouaille parisienne des années 1940, et avec tant d'acteurs si talentueux que c'en est un plaisir.