Cinquième des 6 collaborations entre Randolph Scott et André De Toth, voici une série B de grande qualité qui bénéficie d'un excellent scénario sur une petite bourgade du Far West soudain devenue menaçante et hostile, sujet classique qui permet à De Toth de brosser une curieuse galerie de personnages dans un climat tendu.
Le titre français est encore trompeur, je lui préfère largement le titre original, plus approprié car un riding shotgun, c'était un convoyeur armé de diligence, celui qui prenait place auprès du cocher, armé d'un fusil pour la protection. Cependant, on ne voit Scott exercer ce métier qu'au début du film seulement, car il va être entrainé dans un piège avant de débarquer dans la bourgade de Deepwater puis malmené par les habitants.
Le film décrit en effet les égarements et la bêtise aveugle d'une population qui croit ou veut croire une rumeur infondée, on voit que la situation transforme les habitants tels ce citoyen respectable qui tire sur le héros sans savoir s'il est innocent, ou ce type étrange qui n'arrête pas de caresser une corde et un noeud coulant, prêt à appliquer la loi de Lynch... face à ces villageois vindicatifs, Randy incarne une innocence insuffisamment convaincante, la description de cette petite ville survoltée ne manque pas de réalisme. Ce type de scénario n'était pas rare pendant la période du maccarthysme, le public aimait ce genre de récit, et le sujet avait été abordé d'autre façon en western, notamment dans le magnifique l'Etrange incident et la même année dans Quatre étranges cavaliers d'Allan Dwan, de même que Fritz Lang avait livré un cas similaire sur une foule hystérique avec Furie mais qui n'était pas un western.
Comme on le voit, De Toth intensifie la tension et le suspense aux dépens de l'action en utilisant parfaitement le décor de petite ville, presque toute l'action se concentre dans cet espace urbain, un peu comme un huis-clos ; de beaux paysages naturels ne sont mis en valeur que dans le premier quart d'heure. Le réalisateur parvient aussi à faire oublier quelques menus défauts dus à l'ingérence du studio qui voulait toujours tout contrôler, par quelques prouesses techniques (cadrages et angles originaux, longs plans-séquences, voix-off habituellement utilisée dans le film noir ou le drame).
Comme à son habitude, ce vieux Randy est impeccable dans son rôle, il y a peu d'acteurs connus pour lui faire de l'ombre, on relève James Millican qui campe un excellent méchant, dans un rôle qui aurait tout aussi bien pu convenir à Lee Marvin, il lui ressemble beaucoup ; on remarque aussi la jolie Joan Weldon, beauté brune de la série B qu'on verra dans plusieurs petits westerns, ainsi que Wayne Morris et un certain Charles Buchinsky qui n'était pas encore Charles Bronson, ici à ses quasi débuts sous son vrai nom. Une des meilleures séries B de son époque, un western tendu, concis, et mené rondement, la durée n'excédant pas 1h15.