La date du jour où je l'ai (re)vu à son importance. En effet, c'est une semaine de deuil pour tout les jeunes adultes de ma génération (né entre 1985 et 1995 environ), plus que tout les autres. C'est en effet la semaine où le monde entier a perdu l'un de nos formateurs à la vie, un de nos inspirateurs, un de ceux qui nous a fait grandir, plus que tout autre, à travers ses sketchs (moins en France) et ses rôles dans des films toujours précieux. Je parle bien sur de Mr Keating, du tueur d'Insomnia, de Peter Pan, de Mme Doubtfire, du créateur de Flubber, d'Allan Parrish prisonnier depuis 26 ans du Jumanji et du petit Jack qui grandit trop vite, je parle de Mr Robin Williams.

Et quel est le film qui m'avait laissé le souvenir le plus marquant de ce monstre d'acting et d'humour ? Le cercle des poètes disparus. C'est un film qui parle d'art du langage, d'expression corporelle, de défiance à l'autorité (dans le bon sens du terme), des envies de tout à chacun à s'exprimer et de la liberté d'action. C'est un film qui bouscule absolument toutes les valeurs qui forge la société telle qu'elle existe depuis 300 ans, c'est une métaphore subtile de cette société, transposée dans une école stricte d'Angleterre, dixit "la meilleure du monde". Une école qui demande discipline, de suivre les traditions et d'être studieux. Excellence de chaque élève exigée ! Mais quelle excellence ? Dans quel sens ? Le plus mauvais sens, celui où la société voudrait que chacun aille idéalement, sans se soucier des envies des individualités.

Et en cette nouvelle année scolaire, le professeur John Keating va venir bousculer tout ce petit monde. En demandant juste à ses élèves de suivre leur ressenti, leurs états d'âmes sur les textes qu'ils lisent, et ne pas se conformer à ce que l'introduction très mathématique de leurs livres de poésies voudraient qu'ils suivent. En clair, John "Robin Williams" Keating nous ouvre une autre voie d'appréciation, celle où l'humour est au service de la grandeur de l'esprit, où le sport réveille les corps et stimule l'esprit, où les textes de poésie nous font grandir humainement en nous faisant ressentir l'humanité toute entière qui est en nous. Il donne une porte d'accès romantique à des jeunes coincés d'un monde très pragmatique, trop pragmatique.

Le film suit un groupe de ses étudiants, très réceptifs au message du professeur, qui fouinant un peu dans les registres de l'école, découvrent que Mr Keating faisait parti à son époque d'étudiant, au Cercle des Poètes Disparus, un petit groupe de jeunes qui se réunissaient la nuit pour lire entre eux des poèmes et des textes qu'ils n'auraient jamais l'occasion de découvrir dans leurs cursus. Ce groupe de jeunes décide alors de recréer ce groupe et de reprendre le rituel qui va avec (lecture d'un texte en ouverture, et laisser aller à la découverte des textes).

Ces jeunes s'affranchissent, se découvrent des passions et voient enfin ce qu'ils voudraient faire de leur vie, comme Neil Perry (Robert Sean Leonard), qui subit l'autoritarisme de son père à suivre des études qu'il n'a aucune envie de suivre. Intimidé par celui-ci et n'ayant aucune envie de commencer un conflit avec son paternel, il suit bon gré, mal gré le cursus qu'il lui inflige. Mais la lecture des textes et la méthode instructive de Keating lui fait découvrir une passion pour l'expression linguistique et corporelle. C'est tout trouvé, il veut continuer dans une voie qui lui permettra d'aller dans ce sens. Mais son père ne sera pas de cet avis.

Certains sortent également d'un cocon personnel, qui peut s'apparenter à de la timidité maladive. En extériorisant tout ce qu'ils ressentent, Keating fait s'exprimer le jeune nouveau Todd Anderson, qui se découvre même un don pour la création de textes. La stimulation des découvertes et son appartenance à ce groupe de poètes le fera également découvrir les joies de la camaraderie et le fera sortir de sa bulle.

Bref, ce film de Peter Weir montre, par une métaphore bien sentie, qu'un monde sans art n'est pas un monde enviable, ne restera qu'un monde terne. Que l'école nous enseigne l'art que d'une façon qui l'arrange bien, sous un forme inoffensive qui veut qu'un artiste se conforme finalement lui aussi à des règles, les règles de la société, du fonctionnement "normal" décidé par les supérieurs. Sauf que non, l'artiste, les arts et les hommes ne se sentent pas bien dans cette astreinte, ils ont besoin de transgresser ces règles à certains moments, de choisir leur voie et de s'y sentir bien. Quelqu'un ne sera jamais heureux si on lui impose de vivre d'une façon dont il ne veut pas. Et la liberté, si on y goute et qu'on nous en prive, peut être fatale.

C'est un des sens de ce film très beau (encore un) de Peter Weir. Tout les jeunes acteurs sont géniaux et nous font ressentir ces moments à fleur de peaux où le point de bascule est proche sur ce qu'ils veulent et ce à quoi on les restreints. Mais ce film, depuis ce jour de 11 aout 2014, prend également un autre sens. C'est aussi un film qui démontrait à quel point Robin Williams nous faisait découvrir des choses formidables, nous ouvraient nos esprits par ces rôles toujours surprenants, inspirants et/ou inquiétants. C'est un acteur qui a su découvrir toutes les facettes de son métier, faisant toutes sortes de films, toujours avec un brio qui nous étonne encore maintenant. Rare sont ces rôles que l'on pourrait trouver inintéressants, rare sont ces interprétations qui laissent de marbre. Pour ma part, aucune ne m'a laissé de marbre. Robin Williams est un acteur de toutes les générations, qui a laissé une marque indélébile sur nos esprits.

Ce film, c'est ce qui résume formidablement bien Robin Williams et sa vie. Le monde dans lequel on vit nous l'a repris de force, nous en a privé. Il est parti peut être au bon moment, au moment où il l'a voulu. Hollywood ne lui a plus offert de rôles à sa mesure, il s'est donc retiré de la façon la plus brutale et soudaine qui soit. La fin de "Dead Poets Society", déchirante, représente par un prisme de la métaphore bouleversant ce sentiment tragique d'abandon que nous avons à l'annonce de sa mort. L'homme qui est parti, c'est celui qui nous a fait découvrir une partie du cinéma que nous ne connaissions pas. Il nous a émerveillé et fait rire avec Jumanji et Hook, rire et réfléchir avec Mme Doubtfire et Jack, puis grandir avec Insomnia et donc Dead Poets Society. Robin Williams prend une grande place dans cette critique, parce qu'il a pris une grande place dans nos vies. Ce film, c'est celui qui résume à merveille qui il était en tant qu'acteur, dans ses choix de carrières. Peter Weir en est un peu dépossédé, mais je ne pense pas qu'il lui en voudra. "CAPTAIN, OH MY CAPTAIN !".
Yellocrock
9
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le 15 août 2014

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Yellocrock

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