Chef d'oeuvre absolu du film noir et "du casse", ce film a inspiré de nombreux réalisateurs étrangers (américains et asiatiques) qui ont débutés ces 20 dernières années. C'est donc un maître étalon qui permet de juger de la qualité des films brodés sur le même schéma. Il faut dire qu'on a rien fait de mieux depuis ! Il avait même était question - "oh sacrilège !"- que Johnny To en fasse un remake...
Tout dans ce film relève de la perfection. A chaque visionnage, j'admire:
- la précision d'orfèvre de la mise en scène de Jean-Pierre Melville,
- la solidité et la profondeur du scénario grâce à une psychologie des personnages bien plus nuancées que ne laisse paraître le respect des codes du genre, subtilement détournés (cf aux personnages de Mattei, Jansen et Santi),
- un découpage séquentiel qui laisse le temps d'exposer et d'explorer chaque tenants et aboutissants de l'histoire. Comme toujours avec Melville, il s'agit d'une lenteur toujours palpitante par maîtrise assurée du suspense
-la préférence pour des plans d'ensembles à l'esthétique pensée (cadrages, photo d'Henri Decae pour plans à l'extérieur tirant sur les gris-bleus magnifique),
- la musique d'Eric Demarsan aux accents jazzie parfois, mais d'une tenue dramatique forte, au service de l'histoire, présente sans écraser le jeux des acteurs et ce qui se déroule devant nos yeux de spectateurs électrisés
Puis les personnages devenus mythiques, grâce à des acteurs au sommet de leur art:
-Bourvil, qui n'en était pas à son premier rôle dramatique, mais qui pour la première fois interprêtait un Commissaire dans un film Noir, étonne par un jeu ultra-sobre soulignant la détermination du personnage à aller au bout de sa traque, tout en faisant ressortir sa pudeur, sa solitude et son humanisme bien dissimulées sous la carapace de dureté et de fausse indifférence de l'homme.
-Yves Montand, surprenant en alcoolique en quête de rédemption (cf à la scène de délirium tremans avec rongeurs, reptiles et arthropodes)
- Alain Delon, charismatique, vous convainc qu'un grand acteur n'a pas besoin de beaucoup de dialogues pour manifester sa présence et son talent... Il suffit des regards et des gestes
- François Périer, parfait, comme à son habitude, maniant avec équilibre l'autorité et la fragilité de son personnage.
Beaucoup plus de réserve sur le jeu de Gian Maria Volonté, le seul bémol du film ? Est-ce dû au doublage du comédien italien ? Mais en tout cas, son interprétation de Vogel, ennemi public n°1, ne suscite pas autant l'effroi qu'il aurait fallu.
A ranger parmi les meilleurs films du monde, avec "L'Armée des ombres", tourné l'année d'avant;