À la croisée de la tension militaro-politico-psychologique d'un Fail-Safe aka Point Limite (1964) et des dérives autoritaires de la machine d'un HAL 9000 dans 2001 (1968), ce film à la fois humble et ambitieux met en scène un autre ordinateur américain surpuissant qui cette fois-ci prend le contrôle de la planète entière après avoir fusionné avec son homologue soviétique. À ranger dans la catégorie des intelligences artificielles à la dérive, comme celle de Tron (MCP), Terminator (Skynet), Moon (Gerty), Alphaville (Alpha 60), Planète Interdite (The Great Machine), voire pourquoi pas Une femme de tête (EMMARAC, un ordinateur de gestion de bases de données) pour le versant moins anxiogène.
Dans la description clinique du laboratoire qui a vu naître la machine baptisée Colossus, logée au creux d'une montagne du Colorado, et qui désormais la protège du monde extérieur, on pense également à Le Mystère Andromède, un autre film de SF apocalyptique caractéristique de la psychose de la géopolitique des 70s. Et pour rester dans le chapitre des citations pouvant aider à circonscrire le cadre du film, sans en atteindre la folie horrifique, Le Cerveau d'acier pourrait aussi trouver un écho intéressant dans une autre émanation de la science-fiction à l'autre bout des 70s, avec Génération Proteus et son intelligence artificielle prenant le dessus sur son créateur et animée d'une curiosité étrange au point de vouloir étudier la biologie humaine en détail.
On peut remarquer beaucoup de limitations dans la dynamique de la progression de la machine et de son emprise sur les humains, à commencer par la situation initiale — les États-Unis lancent un programme qui transfère tous les pouvoirs militaires (y compris la force de frappe nucléaire) à un ordinateur avec un empressement en apparence injustifié, donnant l'impression que certaines phases de bêta-test ont dû être un peu bâclées... La concomitance avec rigoureusement le même programme de l'autre côté du rideau de fer est de la même manière assénée sans trop se soucier d'un minimum de vraisemblance, imposant d'avaler une grosse couleuvre. Pourtant, malgré tout cela et en dépit d'une sous-intrigue peu engageante focalisée sur la tentative de tromper la vigilance de la machine, par exemple en lançant le film sur les rails d'une interminable séquence romantique, il conserve un sérieux étonnant ainsi qu'une tonalité froide et martiale qui se fait de plus en plus glaciale.
C'est là où Le Cerveau d'acier se fait le plus efficace : dans la soumission absolue que la machine impose à l'homme, qu'il soit scientifique, militaire ou politique, américain ou russe. Les menaces que Colossus profèrent, les ultimatums qu'il impose, les exécutions qu'il ordonnent, mais aussi la pression qu'il exerce sur celui qui l'a créé (Eric Braeden, assez convaincant dans son rôle de chercheur qui perd progressivement le contrôle) fonctionne encore aujourd'hui particulièrement bien. On reste loin de la portée et de la tension d'un Point Limite, notamment à cause d'une conclusion expédiée de manière très abrupte, mais le geste est tout de même à saluer. À noter la tirade finale de la machine : "We can coexist, but only on my terms. You will say you lose your freedom, freedom is an illusion. All you lose is the emotion of pride. To be dominated by me is not as bad for human pride as to be dominated by others of your species."
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