L'asbl liégeoise Frontière de vie, récoltant des dons pour protéger la forêt équatorienne, a décidé d'amplifier son impact. Le film-documentaire le Chant de la fleur présente des victimes du barbarisme des compagnies pétrolières et le combat quotidien dans l'espoir d'y résister. Un instrument de sensibilisation artistique, poétique et, surtout, efficace.

Comment réagir lorsque votre propre Etat vous trahit? La tribu de Sarayaku, en Equateur, fut forcée de se poser cette question il y a dix ans de cela. Son président José Galingua et ses 1 200 hommes virent alors débarquer des troupes appartenant à leur propre nation. Qu'importe la nature, l'or noir fait sa loi. L'avidité qu'il suscite est responsable de l'anéantissement de l'écosystème amazonien.

La narration de cette âpre lutte continue (après la réunion au jardin botanique, voir Le Poiscaille n°28, p.11), dans l'espoir de sensibiliser un peu plus le public belge. Si certains témoignages terrorisent, c'est avant tout un message d'espoir qui est transmis. Le peuple de Sarayaku croit en l'arbre qui cache la forêt, leur mère, dont il est l'embryon. Ce combat commencé il y a trente ans, lors de la rencontre entre Galingua et son épouse originaire de Theux, fait rayonner de fierté tout le continent, s'imposant comme un emblème. «C'est comme une lumière qui permet aux autres tribus de se réveiller» décrit le président aux plumes.

Le film constitue aussi une occasion de prendre contact avec la culture des Kichwas. n nous conte de rafraîchissants épisodes d'un quotidien éloigné, comme la «Ming ua», un travail collectif de tout le village pour transporter une pirogue de l'autre côté du territoire. 1 200 mains dans le cambouis, ça redonne le sourire. Sauf, bien sûr, quand le cambouis en question émane de la marque au coquillage.

Pour le spectateur, impossible de feindre le détachement face à l'intensité collective dégagée dans ces images. Un affrontement entre David et Goliath dont l'issue, si elle demeure incertaine, inspire inébranlablement l'optimisme. Et le public a bien raison de ressentir ce sentiment. Malgré la pression des autres Etats latina-américains, la démocratie s'est imposée. Certains comportements scandalisent encore : l'Etat équatorien vient de mettre sur le marché 3,8 millions d'hectares de forêt amazonienne. Tenir tête aux géants pétroliers, à l'instar de la tribu de Sarayaku, constitue une puissante façon d'envoyer le signal au monde économique que l'heure n'est plus à l'exploitation écervelée. Aller voir ce film est une chose et résister à leurs côtés en est une autre, toute aussi essentielle.

Boris Krywicki, octobre 2013 pour Le Poiscaille n°35
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le 23 janv. 2015

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