« Chaque heure passée ici pèse une tonne ». Dans son appart parisien sans dessous-dessus, une avocate K.O cuve. Les médicaments, l’alcool ou les séances chez le psy-accuponcteur, on ne sait plus. Car le montage de ce premier long-métrage accole tout à son contraire. Rien de maladroit : le foutraque s’agrège autour de Virginie Efira, l’actrice-pivot du titre, qui déploie autant de facettes de jeu que son personnage empile les complications.
Même sa voyante n’y voit goutte. La vodka dans le jus d’orange de l’héroïne n’aide pas. En est-elle une ? On s’en fout. Mais elle traverse des trucs, ça suinte d’évidence. Parfois, l’air lilliputien, la ville, la foule, quand la caméra la perd dans la cohorte dansante d’une fête. Tantôt, à enjambées de Gargantua, quand, au procès, ses conclusions illumine de logique des fragments absurdes du film, que le spectateur rangeait un peu vite dans l’amoire du non-sens. Mais ça reste saupoudré. Rien d’aussi balourd qu’un fusil de Tchekov ici – appellé aussi set-up/pay-off, cet astuce de scénariste qui pose des détails devenant capitaux ensuite.
Entre deux audiences – faut bien bosser –, la Victoria parle. Ça lui joue des tours, déjoue ses atours, mais c’est pas un robot, merde. La réalisatrice Justine Triet, qui signe le script, remet les encapés, plein de responsabilités, à leur place, celle d’êtres humains, tant pis pour la leçon de morale sur le secret professionnel. Quelle profondeur dans l’écriture !
Triet quadrille l’espace. Par ses cadrages, elle segmente le lieu de vie de Victoria. Trois-quatre pièces, mais chacune semble appartenir à une galaxie différente. On ne verra jamais la chambre de ses deux gamines, toujours à poil, en train de tourbillonner devant l’Ipad. Elles semblent n’avoir jamais d’importance mais demeurent jaugées d’un œil consciencieux, depuis le canapé, par Sam (Vincent Lacoste), avachi mais gonflé de bonne volonté. Cet ex-dealer, ex-client de l’avocate, n’excelle dans rien mais éponge tout. Sauf les affects de Victoria, qui invite d’autres mecs dans sa chambre, au bout du couloir, « le seul endroit pour discuter au calme ». Parce qu’elle ne peut plus s’épanouir en nymphe, comme avant. Faut qu’on l’écoute, elle qui s’échine à défendre les autres.
Victoria rappelle une autre œuvre avec le génial Vincent Lacoste, Lolo, qu’on avait vanté ici. Un film autour d’une femme, vraie et entière, qu’on n’iconise pas. Vue dans tous ses états. Et, même si sa fin paraît un peu sage à l’aune de l’ambition du reste de la mise en scène, madre dios, ça fait du bien.