En 2009 arrivait un petit nouveau dans le monde de l’animation : Tomm Moore. Brendan et le Secret de Kells arrivait sous nos yeux ébahis. Véritable pépite à l’animation soignée, portée par une bande originale de haute tenue, le film n’a pour autant été qu’un succès relatif au box office. Il lui faudra attendre sa nomination aux Oscars (quand même !) et le bouche à oreille pour qu’il se fasse connaitre du plus grand nombre. Cinq ans plus tard, le studio Cartoon Saloon revient sur le devant de la scène avec Song of the Sea, traduit naturellement Le Chant de la Mer en France.

Le film permet à Tomm Moore de confirmer et de signer : il a tout d’un grand.

Le Chant de la Mer se déroule en Irlande, autour de 1985, quand le pays était touché par une grave crise financière. Il s’ouvre sur une scène un peu brumeuse, où l’on découvre une maman qui raconte à son fils une légende celtique, comme seuls les Irlandais en ont le secret. La mère va disparaitre, laissant le père (Brendan Gleeson en version originale) avec son gamin et une nouvelle-née vivre dans leur phare au large de la côte. Un jour, la petite fille -qui ne parle pas- va trouver un manteau dans un coffre, le revêtir et plonger dans la mer. Affolé, le père décide d’envoyer ses enfants à la ville avec une grand-mère aussi coincée qu’insupportable… Les enfants, eux, auront d’autres idées en tête.

Après avoir revisité l’histoire irlandaise et la création d’un des plus vieux livres de l’Histoire, Tomm Moore plonge donc entièrement dans le folklore de son pays. Ce qui commence, du moins pour les enfants, comme une histoire plutôt classique de fugue pour rentrer chez eux va vite se transformers en quête. En quête tout court puisqu’ils sont à la recherche de leur chien mais aussi en quête initiatique puisqu’à travers leurs péripéties, ils vont grandir ensemble, évoluer, se comprendre et chercher à résoudre le mystère de la disparition de leur maman.

Au coeur de l’histoire, les contes et légendes celtiques, et particulièrement la légende des selkies, ces créatures mythologiques qui s’habillent de peaux de phoque pour se changer en animal et plonger dans la mer (et déjà évoquées dans Ondine de Neil Jordan) mais pas seulement puisque leur histoire sera parsemée de personnages folkloriques, issus parfois du petit peuple ou d’autres histoires locales. Ca permet au déroulement de l’histoire de n’être jamais totalement linéaire, toujours surprenant et magique, dans un monde où se mêlent habilement modernité et traditions. On notera au passage de nombreux points communs entre les humains adultes et certains personnages « magiques », à l’instar de la grand-mère évoquée plus haut qui ressemble fortement à une sorcière ; elles ont d’ailleurs la même capacité à dissimuler leurs émotions, comme si nos deux mondes n’étaient finalement pas si éloignés que cela.

Mais au delà de son histoire aussi riche qu’émouvante, toute la force du film vient de son animation. Vous vous souvenez de la magnifique scène de fin du Secret de Kells dans laquelle une page du livre prend vie ? Tout le nouveau film de Tomm Moore est aussi sublime. Le dessin traditionnel, les décors du Français Adrien Merigeau extrêmement fouillés et colorés font que chaque scène est une magnifique peinture qu’on a envie d’avoir chez soi, ou au moins en fond d’écran. On n’avait pas vu pareil travail sur les ambiances depuis les Disney de la belle époque ou alors il faut aller les chercher du coté de chez Ghibli. Au delà de ce qu’il raconte, Le Chant de la Mer est un ravissement.

D’ailleurs, le film possède quelques points communs avec Mon Voisin Totoro (dont une scène hommage), mêlant univers fantastique vu seulement par les enfants et parents enfermés dans une modernité bien moins intéressantes. De là à penser que Tomm Moore est le Hayao Miyazaki irlandais, il n’y a qu’un pas. Qu’on franchit aisément.
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le 19 nov. 2014

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