Le chant de la mer est un conte fantastique centré sur la mythologie celtique irlandaise. Format plutôt court (à peine une heure trente), histoires d'océan, adressé aux enfants, gros moyens visuels, sortie proche de noël, bref, un nouveau film qui contentera parents consciencieux, enfants aseptisés et producteurs vénaux.

Ce n'est pas tout à fait faux. L'histoire reprend le schéma traditionnel du conte, le conventionnel happy ending, les bonnes vieilles pauses-chansons, les vilaines sorcières et les gentilles otaries. On perçoit parfois quelques facilités qui peuvent déranger les plus grands.

Mais c'est très loin d'être vrai malgré tout. Car voyez-vous, la mer en fait ce n'est pas réellement la mer, mais les larmes d'un géant super-triste qui a pleuré tellement longtemps qu'il a fallu le sceller en pierre en lui aspirant ses sentiments dans un bocal avec l'aide de hiboux pour qu'il devienne une île et que ses larmes n'envahissent pas davantage le continent. La nuance est de taille, non ? En fait, cette image résume à peu près toute la complexité du film.

Car ce qui a l'apparence très formelle d'un conte, conductrice et rassurante, n'est rien d'autre qu'un point de repère auquel les enfants peuvent se raccrocher pour mieux comprendre l'histoire sans se sentir perdu. Celle-ci s'articule autour de la problématique du deuil, dans toute sa complexité. Chaque personnage vit le deuil d'une manière différente : le père Connor se renferme sur lui-même et sombre en dépression, le petit frère Ben rejette la faute sur sa petite soeur Maïna, la sorcière Macha emporte les autres dans sa tristesse. Et c'est ainsi qu'on n'a jamais de méchanceté, seulement toute la complexité du sentiment humain, et au sortir de tout cela, les personnages les plus solides s'avèrent être les enfants : ceux dont les sentiments sont les plus libres.

Tout l'intérêt de l'oeuvre se trouve dans le traitement du sentiment, qui est incroyablement réussi. La patte graphique rondelette, enfantine et délicieusement colorée de Tomm Moore développe toute sa poésie lorsqu'elle sert à peindre le druide-dont-chaque-cheveu-est-une-histoire, la sorcière-qui-se-fait-des-shoot-de-bonheur, ou bien encore la petite-fille-qui-n'a-pas-de-voix-sans-son-manteau. Et tout est rond comme une bulle, tout ondule comme une vague : personnages, décors, animaux et sentiments.
machiniste
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le 17 déc. 2014

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