Difficile de prime abord de comprendre pourquoi cette adaptation d’un récent prix Pulitzer (qui récompense un roman américain de qualité), ait été à ce point conspué lors du dernier festival international du film de Toronto. On se dit que cela doit venir pour la plupart de la déception, relativement courante, des lecteurs voyant leur œuvre littéraire adorée se voir trahir sur grand écran. Il n’est en effet pas toujours facile de transposer un récit de la page à l’image. Surtout un bouquin comme celui-ci, monstre littéraire complexe de près de mille pages. Renseignements littéraires pris, on comprend que de grandes ellipses ont été faites et qu’il est difficile de faire ressortir du film les thèmes centraux du roman tels que le destin, la pérennité de l’art face à la mortalité de l’homme ou les grands maux américains du XXIème siècle. Cela en dépit des deux heures et demie que dure le « Le Chardonneret » version cinéma.
Pourtant, en tant que spectateur neutre, cette adaptation est très loin d’être déshonorante. Elle est même plaisante et on ne trouve quasiment pas de longueurs tant le scénario est dense (même si pas autant que l’œuvre initiale). On pourra juste lui trouver un abus de coïncidences (excusables puisque présentes dans le livre) et une difficulté à trouver une ossature centrale bien définie dans les thèmes de fond abordés comme on le disait plus haut. Mais le défaut majeur dans « Le Chardonneret » version cinéma est son final à Amsterdam mal négocié et vite expédié. Tout comme la manière un peu sibylline dont se conclue le long-métrage. En revanche, on ne peut que saluer la distribution venue de tous bords, jeunes comme moins jeunes, appliquée et concernée et notamment les interprétations du héros enfant puis adulte (Oakes Fegley et Ansel Elgort irréprochables).
On prend plaisir à suivre les errements de cet enfant traumatisé devenu un adulte forcément perturbé sous forme d’un récit d’apprentissage haut de gamme et tumultueux. Si le montage alterné est accessoire, on suit l’évolution de ce garçon et ses turpitudes avec plaisir et presque passion. Il y a beaucoup de rebondissements, la narration est fluide et on navigue entre émotions et questionnements intérieurs sans trop de voix off et avec un intérêt soutenu. De plus, si la mise en scène de Cromwell est académique dans le bon sens du terme, les images du chef opérateur Roger Deakins la magnifient, que ce soit à New York, à Las Vegas ou à Amsterdam. Et il n’y a aucun mal à se retrouver face à une œuvre classique (ce mot a tendance à trop devenir synonyme de banalité et porteur de défauts dans le jargon cinématographique) lorsque le matériau de base l’est également. Et ici, c’est un classicisme propre et pertinent soutenu par une certaine poésie, indicible mais bien présente. « Le Chardonneret » demeure donc un film plaisant et de qualité n’en déplaise au public littéraire qui en fera une œuvre malaimée.
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