Somme toute, il n'est peut-être pas nécessaire de décrypter complètement les signes et autres symboles surréalistes qui alimentent cette malicieuse satire de la bourgeoisie pour en savourer toute l'ironie. Car les personnages que filme Bunuel, avec élégance et fluidité, sont manifestement des figures ridicules et médiocres, et le spectateur les perçoit aisément comme telles.
Bunuel renoue ici avec la forme la plus classique et la plus caustique du surréalisme. Les corps constitués (diplomates, militaires, clergé) et la bourgeoisie dans son ensemble sont les sujets d'une satire où l'on devine moins de virulence que de raillerie bon enfant. Encore que les uns et les autres, bien habillés par Bunuel, apparaissent corrompus, vaniteux, avides, concupiscents et la liste n'est pas close!
Ils sont des parasites et des jouisseurs qui n'envisagent aucune autre activité, dans le film de Bunuel, que de se mettre à table! Ce à quoi il ne parviennent jamais, en dépit d'invitations réciproques répétées, toujours empêchés au dernier moment par quelque incident incongru. Parfaitement satisfait d'eux-mêmes, il n'est que leurs cauchemars, heureusement fugitifs, pour démasquer leur hypocrisie et leur révéler douloureusement leur vraie nature.
Le film est tout simplement une comédie dont on prend plaisir, malgré quelques aspects obscurs (en particulier deux ou trois scènes oniriques), à décoder les effets comiques et à découvrir le caractère grotesque des personnages. Ils sont bien punis par Bunuel qui les prive de se gaver...