La fin de carrière de Steve McQueen se révèle, à l’image de sa vie, très chaotique. Après le succès commercial de La Tour infernale en 1974, il s’éloigne des plateaux de cinéma, prend du poids et porte la barbe. On le décrit plus toxicomane que jamais, tyrannique avec son entourage et paranoïaque. Il refuse des rôles en or et accepte de tourner en 1976 un film intimiste, sorti en 1978 dans un nombre très limité de salles où il est méconnaissable. Il attend trois ans pour enchaîner, coup sur coup, en 1979, Tom Horn et Le Chasseur avec deux yes-man derrière la caméra qui sont autant de flops commerciaux. Comme toujours très impliqué dans les scripts qu’on pouvait lui soumettre, il souhaite apporter sa patte. Point commun entre les deux personnages et Steve McQueen lui-même, des marginaux qui jouent avec leurs propres règles. Si le premier projet est austère, le second joue la carte du second degré.
Quand il accepte de tourner Le Chasseur, Steve McQueen ignore qu’il s’agira de son dernier film. Il connaît certes des soucis de santé mais ne sait pas de quoi il souffre et qu’il est condamné. Voilà pourtant un choix qui lui permet de boucler la boucle. Retrouvant un rôle de chasseur de primes qui a fait sa notoriété, il en profite pour relire sa filmographie avec une certaine ironie. Lui l’as du volant se révèle ici un piètre pilote. Il exécute, par ailleurs, quelques cascades qui ont fait sa renommée. Il retrouve, enfin, Eli Wallach avec qui il avait interprété Les Sept Mercenaires. Autant d’éléments qui lui permettent d’incarner un personnage à sa mesure qui fait de cette série B un film testamentaire non dénué d’intérêt.
Jugé insignifiant, ce Chasseur se révèle pourtant un très sympathique divertissement. Si l’ensemble peut s’apparenter à un assemblage maladroit de certaines scènes parfois sans lien, il brosse avant tout le portrait attachant d’un homme peu en phase avec son époque. Fuyant le spectre d’une vie rangée et potentiellement ennuyeuse, il court les truands malgré un corps ostensiblement fatigué. Les séquences sont certes inégales, mais à le revoir, je trouve que ce film est plutôt cohérent. Entre scènes d’action bien fichues (notamment la longue course-poursuite dans Chicago qui évoque celle de Peur sur la ville), scènes intimistes pas trop mélos et une bonne dose d’humour, on obtient un résultat qui ne se prend pas au sérieux et qui offre un spectacle franchement distrayant. Cela ne va pas chercher bien loin mais c’est efficace.