Des trois films de la trilogie animalière de Dario Argento Le Chat à neuf Queues demeure sans doutes l'un des plus denses du point de vue stylistique ; c'est aussi le giallo le moins racé du triumvirat, celui qui passe le plus d'un genre à l'autre tout en transformant magistralement l'essai de L'oiseau au Plumage de Cristal...
Dans ce polar jaune shooté en Scope la police piétine, impuissante, dans une improbable affaire de meurtre en séries sur fond de déterminisme génétique. On retrouve des personnages-outils dénués de psychologie, souvent proches de l'archétype et de l'ornement narratif ( ici un aveugle féru de rébus-braille s'acoquinant à une fillette l'appelant tendrement "petit biscuit" ; là un protagoniste menant l'enquête et reléguant au second plan sa carrière de journaliste ) une partition morriconienne en-deçà de ses outrances habituelles...
Argento utilise par ailleurs la caméra subjective avec une inédite virtuosité ( on pense bien entendu à Blow-Up pour la réflexion passionnante sur le regard qu'apporte le film en question, et forcément à toute l'oeuvre hitchockienne du maître du suspense ) réinvente une scène de profanation de cimetière en la filmant comme une séquence de braquage digne d'un Melville ( cordes pincées sixties de Ennio Morricone et surcadrages abstraits au diapason...) et se permet des jeux d'ombre directement hérités du film noir ( les dix dernières minutes sur le toit de l'immeuble sont un modèle dans le genre ).
Pour un deuxième film Le Chat à neuf Queues fait figure de morceau de cinéma d'une élégante cohérence, redoutablement maîtrisé et forcément abouti. Le meilleur de la trilogie animalière !