En quelques lignes :
Dans un univers merveilleux où magie et technologie steampunk se côtoient, une jeune chapelière, maudite par la maléfique Sorcière des Landes, se réfugie dans le château ambulant du sorcier de sinistre réputation Hauru.
En un peu plus :
Voilà bien deux décennies que le nom du réalisateur Hayao Miyazaki est familier du grand public international et que le studio Ghibli, dont il est le co-fondateur, est envisagé comme un contrepoids nécessaire au mastodonte tentaculaire qu’est devenu Disney.
Au regard des œuvres produites, leur réputation n’est certainement pas galvaudée et le studio n’usurpe pas, pour l’heure, son nom emprunté à un avion de reconnaissance italien construit dans les années trente, le Caproni Ca. 309 Ghibli. Pour le maître de l’animation, il s’agit en effet à chaque film, au prix d’un travail éreintant et d’angoisses constantes, de repousser les limites de ce qui a été réalisé préalablement, de porter à bout de bras des projets que la volonté de ne jamais rien lâcher, le refus de déléguer quoi que ce soit et l’âge rendent chaque fois un peu plus écrasants. Plus qu’un sacerdoce, Miyazaki a fait de l’animation sa croix. A le voir vivifier en quelques retouches l’héroïne sur un autre projet du studio, on ne peut égoïstement que se féliciter de voir ce vieil homme renoncer à sa retraite pour venir geindre derrière sa table de travail : « Quelle corvée ! Quelle corvée ! » en révisant image par image le travail de ses animateurs ou en s’arrachant les cheveux face à un storyboard qui lui résiste. Ne professe-t-il pas lui-même : « Les choses les plus importantes de la vie sont des corvées. Si elles disparaissaient de nos vies, on les redemanderait. » ?
Miyazaki est assurément le cœur du studio Ghibli et, par conséquent, sa force autant que sa faiblesse. Car sans lui, il y a fort à craindre que le studio ne s’écroule après avoir titubé quelque temps en laissant derrière lui un sillage de briques, cigarettes, aquarelles et papier qui le composaient.
Pour sa part, Diana Wynne Jones, l’auteure britannique de Howl’s Moving Castle, est peu connue du public francophone, en dépit d’une carrière littéraire acclamée dans le milieu de la fantasy. Malgré une adaptation très libre de son œuvre par Miyazaki, elle a beaucoup apprécié Hauru no Ugoku Shiro qu’elle qualifie de « merveilleux, riche et étrange, admirablement animé », alors qu’une partie de son lectorat a été terriblement déçu par les nombreuses libertés prises par Miyazaki dans sa réécriture du roman.
Celui-ci l’a en effet habité de ses propres démons. Il a soufflé sur les braises d’une guerre simplement évoquée par l’auteure pour la rendre omniprésente, chargeant les eaux de cuirassés et les cieux des machines volantes qui lui sont chères. Il a retouché les traits de son Hauru pour en faire un féroce opposant à la guerre plutôt qu’un séducteur impénitent et vaniteux, gommant en partie son caractère de drama queen. Sur Sophie, il a fait planer l’image de sa propre mère, faisant dire à l’auteure : « tant Sophie que Howl sont plus aimables et plus nobles que dans mon roman ». Enfin, il a ignoré des pans entiers de l’intrigue originale, comme il l’avait déjà fait lorsqu’il s’était agi d’adapter son propre manga à l’écran. Loin de s’en offusquer, l’auteure remarque qu’« il faut apprécier le film tout autant que le livre, qui sont tous deux un peu différents, mais emplis de choses fabuleuses » sans doute parce qu'ils ont chacun une approche de l’écriture radicalement opposée. Miyazaki ne travaille pas, en effet, en partant d’un scénario, mais à partir d’aquarelles qui stimulent son imagination. « Les trames trop logiques étouffent la créativité. Mon but est de briser les conventions. Les enfants comprennent. Ils ne fonctionnent pas logiquement. » Que l’on ne s’étonne donc pas d’une résolution abrupte de l’intrigue qui pourrait laisser sur leur faim les amateurs de géopolitique fantastique.
En visionnant Hauru no Ugoku Shiro, il s’agirait donc peut-être de se laisser porter par l’imaginaire, suivant l’exemple de ces deux enfants anonymes : d’une part le garçonnet qui suggérait à Diana Wynne Jones dans une école que « ce serait trop bien d’avoir un château qui bouge dans une histoire », d’autre part la fillette de passage un soir dans le quartier de Kajinochō à Koganei où se trouvent les studio Ghibli qui disait à Miyazaki « Merci pour le château ambulant ! ».
Et en quelques images:
Une bande-annonce alternative.