On continue notre périple chez Ghibli avec donc Le Château ambulant, et encore une fois ce fut un véritable régal. Ce qui m’a surtout captivé ici, au-delà de l’intrigue centrale, c’est cet univers profondément ancré dans le steampunk sur fond de fantastique et de magie, rendant le tout extrêmement intéressant et captivant. Il y a des moments où je m’émerveillais plus par l’univers développé, le contexte de l’histoire, les éléments mis en place (comme le concept de la porte du Château ambulant) que par l’intrigue même. Il y aura même d’ailleurs plusieurs points qui m’ont fait sortir du film : le rôle de la sorcière des Landes dans la deuxième partie du film, quand Hauru nous fait une crise parce que ces cheveux ont changé de couleurs (mais pourquoi ?), la mécanique du maléfice lancé sur Sophie, et puis surtout la fin.
Car en soit, l’intrigue est globalement dans la lignée des autres films de Miyazaki. C’est une très belle histoire avec des personnages intéressants et pas unidimensionnels, le tout avec des messages apportés qui nous amène à réfléchir (la force de l’amour, se faire dévorer par ses démons intérieurs, la poursuite des rêves, et puis bien sûr la vieillesse). Le personnage de Sophie un développement encore une fois admirable : on a un personnage clairement féminin, qui a des aspirations assez classiques et presque naïves pour une personne de 18 ans, qui affronte des situations malheureusement banales (je pense à la scène au début avec les deux lourdingues), avant de se faire embarquer dans une aventure extraordinaire. Mais à côté de ça, elle reste humaine, avec ses faiblesses et ses défauts : elle n’hésite pas à s’énerver, à s’impatienter à n’en faire qu’à sa tête, à ne pas tendre la main à des personnes qu’elle juge détestable… Tout autant de détail qui en font un personnage extrêmement attachant, non pas parce qu’elle est l’héroïne, mais parce qu’on a envie d’en savoir plus, de la suivre dans son aventure.
Les autres personnages sont pour le coup, beaucoup moins intéressant en comparaison, à part éventuellement Calcifer qui apporte une touche d’humour bienvenue, ou Navet qui est à la fois creepy as f*ck mais tellement marrant sans ligne de dialogue. Mais par exemple, je n’ai pas vraiment accroché à Hauru, au point qu’on se demande même comment Sophie peut en être amoureuse. Je le trouve tellement fade (il dit être terrifié, mais à aucun moment on le sent terrifié, et quand il ne l’est pas, on ne voit aucune différence) et ininspirant, que son histoire ne devient intéressante qu’à la fin. Marco est parfois irritant au possible et n’apporte pas grand-chose, et la sorcière des Landes est décevante car il y a tout un build up autour du personnage, mais celui-ci s’écroule après la deuxième moitié du film sans vraiment de raison. Idem pour madame Sullivan, qui échoue à être une antagoniste palpitante. Et c’est là le gros problème du film : l’absence d’une véritable menace dans l’intrigue. Certes, les films de Miyazaki s’écartent souvent de cette vision manichéenne du monde, se centrant plutôt sur la nuance dans les motivations des personnages, ou alors dans le rite initiatique des personnages.
Sauf que là, on n’a rien de tout ça, et on a un film qui pose un contexte belliqueux entre deux nations, un sorcier dévoré par ses démons intérieurs et une sorcière qui tente justement de le neutraliser avant qu’il ne devienne dangereux. Et ça se conclut en 30s, sans réel menace pour les personnages, sans difficulté. La conclusion est logique et a tout son sens du point de vue de Sophie, mais elle n’en a aucun compte tenu du contexte global de l’intrigue. C’est ça qui est dommage, car ça casse un peu tout le contexte et ce qui avait été développé jusqu’à là, et ce qui était donc pour moi le plus intéressante du film. Idem pour le rôle de la sorcière des Landes dans la deuxième moitié du film, à part pour nous agiter le fusil de Tchekhov devant nous toutes les cinq minutes, ce qui la rend inutile et superflue une fois son intrigue conclue. Et là encore, on aurait pu avoir de la difficulté dans la résolution, mais non ça se finit presque façon bipolaire.
Sur le plan technique, je n’ai pas beaucoup à dire en revanche. La musique sera peut-être celle qui m’a le moins marquée jusqu’à présent dans un Miyazaki, mais elle est une nouvelle fois parfaitement adaptée. Quant à l’animation, c’est une nouvelle fois une petite merveille pour les yeux, que ce soit dans sa fluidité, les décors, l’utilisation des couleurs et des volumes pour jouer sur la perspective et les fluides (je pense à l’eau et l’air).
Le Château ambulant est donc mon premier dilemme chez Miyazaki. Car j’ai quand même beaucoup aimé le film dans sa globalité, et notamment son univers steampunk/magique et le personnage de Sophie, qui est sans doute mon personnage préféré désormais, après Mononoké. Très honnêtement, ce film avait le potentiel pour devenir le meilleur des studios Ghibli que j’ai vu, mais sa conclusion précipitée et l’absence de personnage pour contrebalancer Sophie (comme dame Eboshi par exemple) vont justement venir plomber un peu l’ensemble, et il en ressort une petite frustration.