Qu’ils soient d’origine occidentale ou bien orientale, les mythes parviennent à se réincarner grâce à des auteurs s’appropriant leur essence pour l’insuffler dans leur imaginaire ou bien dans leur histoire culturelle, on pense par exemple au film Les Sept Samouraïs de Akira Kurosawa réadapté par les américains dans la conquête de l’Ouest avec Les Sept Mercenaires, ou bien aux influences du Chanbara sur le western spaghetti de Sergio Leone. Le Château de l’Araignée, c’est l’adaptation d’une œuvre de Shakespeare inscrit dans le contexte du Japon féodal et de ses conquêtes de territoire. C’est l’histoire d’une âme damnée, celle de Macbeth réinterprété par un acteur tempétueux aux traits marqués, un certain Toshiro Mifune dont le bouc hirsute et les apparats en font un véritable Tengu aux zygomatiques appuyés. Il convient également de saluer la prestation de Isuzu Yamada dans le rôle d’une veuve noir à la fixité spectrale, délivrant un climat hautement délétère par ses murmures d’affabulations, c’est elle qui va distiller le poison, alimenter la paranoïa de son mari et le précipiter dans la voie de la perdition.
Après une glorieuse bataille, deux généraux sont invités à se rendre au château de leur seigneur pour recevoir les honneurs émérites. Mais gare à ceux qui arpentent les sentiers sinueux de la forêt de l’Araignée à ne pas s’égarer en chemin. Si celle-ci porte bien son nom, ce n’est pas seulement parce l’on y tourne en rond mais aussi à cause de la présence insidieuse d’une vieille sorcière tissant la toile inextricable d’un funeste destin. À la suite de leur rencontre fortuite dans les bois, Washizu sera promu puis couronné tandis que le fils de Miki devra lui succéder au trône au terme de son règne. D’abord peu soucieux de leur fortune, les deux compagnons vont peu à peu réaliser que les prédictions s’avéreront vrai. Mais Washizu partagé entre sa loyauté et son ambition dévorante va se retrouver entraîné malgré lui dans un acte de félonie influencé par sa femme Asaji qui souhaite concrétiser la prophétie à l’avantage de ce dernier. Ainsi vont-ils sceller leur sort et devront en payer le prix fort.
Akira Kurosawa place sa tragédie à la lisière du fantastique en invoquant la présence d’esprits occultes dans la réalité. Washizu en sera le témoin, en proie à la résurgence du spectre de son défunt ami Miki, que son entourage interprétera comme une crise de délirium et de culpabilité. Au beau milieu de cette décadence, les soldats vont tenter d’interpréter les signes de bonne ou de mauvaise aloi, de profiter des phénomènes paranormaux pour fomenter leur complot suite à l’invasion d’un cortège d’oiseaux dans le château ainsi que le va t’en-guerre de la forêt suggérant la colère d’une entité surnaturelle, deux événements pourtant synonyme de cause à effet (les arbres sont abattus par l’armée d’envahisseurs provoquant l’exode et l’hystérie des volatiles). L’emploi de ces artifices de mise en scène parviennent à renforcer la dimension onirique du long-métrage dont la réalisation tend vers l’épure, pas de grandes batailles en costumes malgré le nombre important de figurant lors du dénouement mais une utilisation habile du hors-champ, des ellipses temporelles, des expressions figés dans le cadre similaire au théâtre Nô, enfermant ses protagonistes dans des environnements et lieux maudits nimbés par une brume fantomatique. Le brouillard étant le seul élément permettant de remonter le temps, il introduit puis viendra clore le récit par une ode funèbre sur la folie des hommes s’étant entre-déchirés par lâcheté et avidité. La nature humaine conserve le même visage, les vestiges du passé incarne cette réalité mortifère.
« Jadis, maintenant, rien ne change »
Tu veux ta dose de frissons et d’adrénaline pour Halloween ? Rends-toi sur l’Écran Barge où tu trouveras des critiques de films réellement horrifiques, situés à mi-chemin entre le fantasme et le cauchemar.