Même si cette première oeuvre de Mankiewicz n'est pas la plus aboutie, elle contient en germe tous les ingrédients des films à venir : on y retrouve le thème de l'enfermement et du fantasme, celui de la femme convoitée par deux hommes, et bien sûr celui du Bien et du Mal.
Gene Tierney n'est certes pas la paysanne qu'on imaginerait, mais son jeu sensible et juste nous émeut, face au royal Vincent Price qui campe avec un art consommé cet aristocrate très XIXe, séduisant mais rigide, imbu de son pouvoir et de ses privilèges, et qui refuse obstinément d'évoluer avec son temps.
On ne peut pas parler d'un vrai film gothique : il n'emprunte jamais la voie du fantastique, même si quelques éléments nous y renvoient, à commencer par le Château de Dragonwick, fantasme baroque quasi irréel.
Film prenant, dont le sujet et les interprètes charismatiques nous accrochent et nous retiennent, sur de superbes photos en noir et blanc, dans des jeux d'ombre et de lumière qui font penser à des tableaux de peintres hollandais.