Souvenez-vous de cette sombre période.
Nous sommes dans les années 2000. Paris Hilton se promène partout avec son chihuahua, l’affreux Tinkerbell, et toutes le personnes accros aux pouffes et paillettes en veut un. En 2003 DJ Bobo offre aux discothèques et aux radios les moins regardantes sur leur programmation musicale le tube « Chihuahua », qui rentre si bien dans le crâne pour mieux le récurer à vif. Coca-Cola l’utilisera même pour ses publicités. Et un film. Disney produit le métrage de Raja Gosnell, un habitué des films familiaux, le Chihuahua de Beverly Hills, qui aura droit à deux suites.
Nous sommes dans les années 2000. Le chihuahua est roi.
Le film ne fait pas semblant de ne pas bénéficier de cette popularité, la chanson citée plus haut sera bien entendu utilisé, à un moment plus surprenant du film. De même, il va partir de cette image de chien de la jet-set, d’animal couvé par des célébrités et traité comme une poupée.
C’est ainsi que Chloé, petite chihuahua blanche, vit, entourée de gens attentifs à ses moindres désirs, inondé d’amour par sa propriétaire Vivian (Jamie Lee Curtis, qui s’amuse à en faire trop), riche femme d’affaires qui travaille dans la mode. Elle a les plus beaux colliers, les plus manteaux, les plus beaux chaussons, tous griffés des plus grands noms. Elle n’en fait qu’un peu à sa tête, dédaignant Papy, le chihuahua du jardinier, petite boule de poil et d’énergie qui n’a d’yeux que pour elle.
Mais quand la capricieuse Chloé est confiée aux bons soins de la nièce de Viviane, Rachel, la suite dérape. La jeune femme emmène la chienen à Mexico, où elle ne met pas longtemps à être kidnappée, entraînée dans des combats de chien avant de prendre la fuite avec un vieux briscard, un berger allemand nommé Delgado. Papy, apprenant la nouvelle, décide de partir à sa recherche.
Le chihuahua de Beverly Hills est une production Disney pur jus, jamais inquiétant, toujours clinquant. Les méchants ne sont guère dangereux, les gentils seront valorisés. Les décors sont propres et colorés, c’est un Mexique de carte postale, un studio de cinéma recrée comme cela aurait pu être un bout d’un parc d’attractions. Le Chihuahua de Beverly Hills sait que ce qu’il montre n’est pas réel, c’est imagé, il se donne à voir.
Il fait d’ailleurs beaucoup d’efforts pour intégrer ces animaux parlants et doués d’une intelligence plus humaine qu’animale dans son petit monde, sans que cela ne jure. Si quelques créatures telles que le rat tout en 3D se distinguent moins positivement, le dressage des chiens, bien réel, est assez impressionnant. Quelques trucages feront le reste, dont des gueules animées pour exprimer les dialogues et une accentuation des muscles du visage pour mieux faire comprendre les émotions vécues. Pour une production estimée à 20 millions de dollars, une paille, le résultat ne fera jamais misérable ou maladroit.
Pour le reste, le Chihuahua de Beverly Hills est à ce point évident dans ses intentions qu’il ne faudra pas se brusquer d’un scénario transparent, où les plus mauvaises intentions ne seront jamais réussies, tout va toujours bien. Le film est tout de même plus surprenant quand il dérive de son histoire de dognapping et de course poursuite pour nous faire découvrir une ancienne civilisation canine, nous expliquant discrètement mais de façon évidente que la race est l’héritière d’un long héritage, et qu’il serait simpliste de n’y voir qu’un animal de compagnie pour riches qui s’ennuient. Un écart dans la fantaisie mais aussi un détour hors des clous de l’histoire prévisible, et cela offre une certaine touche supplémentaire au film.
Ce « secret » découvert sera aussi l’occasion pour Chloé de s’émanciper, de s’affirmer et de prendre goût à l’aventure, loin du chic et des caprices. Son éviction de l’affiche au profit de Papy est curieux, car c’est elle l’héroïne du film, pas seulement une princesse en détresse. Les quelques personnages qui sont présents sont aussi évidents que le scénario, mais le métrage arrive tout de même à leur offrir suffisamment de place, notamment pour Chloé et Delgado, duo classique dans les oppositions mais malgré tout proches, comme c’est mignon.
Le doublage français est d’ailleurs assuré par les comédiens du Jamel Comedy Club pour les animaux, avec Yacine Belhousse, Amelle Chahbi, Fabrice Eboué, Thomas N’Gijol, Frédéric Chau, Blanche Gardin et d’autres. Et le résultat est vraiment réussi, très vivant, permettant peut-être de gommer les critiques attendues et de se laisser porter par le film.
Certes, Le Chihuahua de Beverly Hills est un peu anecdotique, mais il assume sa légèreté et ses évidences, pour mieux s’apprécier comme un divertissement sans grandes prétentions, pour une petite aventure canine bien dressée.
Il a aussi, et il est important de le souligner, la bienvaillante intelligence de commencer son générique de fin par un avertissement. Qu’adopter un animal est un choix sur la durée et qu’il ne faut pas le faire à la légère. Même après avoir regardé un film avec des chihuahuas qui parlent. Merci.