Carlo Levi s’est-il vraiment épris de cette bourgade du sud de l’Italie, de la beauté des paysages, de ses habitants, de leur mode de vie ? Difficile de l’affirmer incontestablement, tout du moins sans avoir lu le livre.
Certes, certaines scènes tendent à le démontrer: celle de la rébellion du docteur d’abord, excellente, la plus réussie du film (bien qu’on puisse se demander si son geste n’est pas plus politique que social, c’est-à-dire s’il ne règle pas plus ses comptes personnels avec le Podestà qu’il ne vise le bien de la collectivité); celle du repas entre hommes évoquant avec nostalgie l’Amérique où il écoute avec compassion ces exilés de cœur ; ou enfin celle avec tous ces gamins initiés à la peinture et Giulia, sa servante, avec qui il noue finalement une vraie complicité.
Cependant, comment ne pas voir de la condescendance dans son opinion sur cette campagne isolée, inculte et rude, et aussi dans son regard sur ses mœurs si lointaines (croyances en la sorcellerie, foi religieuse aveugle, ignorance de la science) ? Même s’il change au cours de son séjour, ne reste-t-il pas au fond aussi distant, dans une position supérieure depuis laquelle il contemple ses concitoyens ? Il est vrai tout de même qu’il n’appartient pas à leur monde – ce dont eux-mêmes ont conscience. Toutefois, l’attachement supposé qu’il éprouve envers ceux-ci semble assez ténu voire plutôt feint.
Mais ce qui gêne le plus, c’est l’incapacité de Rosi, en 150 minutes, de filmer le village et ses alentours, tout comme les villageois dans leur quotidien, le traitement demeurant aussi superficiel que les sentiments du personnage de Carlo Levi.
6.5/10