Un film pas comme les autres. Une nouvelle grande claque après les Héritiers.


Oui le cinéma sert encore à quelque chose ! Marie-Castille Mention-Schaar (Les Héritiers) réédite ici l'exploit d'un film nécessaire et percutant, sur ce sujet délicat et au cœur de l'actualité qu'est le djihadisme. Plus précisément Marie-Castille Mention-Schaar choisi un angle singulier : l'embrigadement de jeunes filles issues de familles non-musulmanes de classe moyenne.



1h44 d'intense crispation



Tout commence au cœur d'un groupe de paroles de parents, un cercle qui constitue le fil rouge de ce film. Cela fait à peine une minute que le film a commencé et nous voilà déjà plonger au cœur de l'histoire. Une atmosphère dans laquelle on reste crispée pendant 1h44 sans ne jamais décrocher.


Ce film, c'est avant tout, une double histoire, traitée en miroir. D'une part le combat de Sonia pour s'en sortir, de l'autre la descente en enfer de Mélanie.
Sonia, 17 ans seulement, est persuadée que la fin du monde est proche. Elle doute entre partir en Syrie et rester mais être prête à tout pour assurer à sa famille d'accéder au paradis. Finalement arrêtée juste à temps, on suit son long chemin vers son retour à la vie réelle malgré les voix de l'embrigadement. Face à cette emprise totale, elle même un véritable combat contre elle-même pour s'en sortir.
De son côté la jeune Mélanie, bonne élève en quête d'idéal, se fait séduire par un « prince » musulman qui lui promet un monde meilleur. Au fil de vidéos sur la théorie du complot, d'images de guerre et d'une accumulation de messages reçus, Mélanie sombre peu à peu dans la radicalisation. L'origine de la tourmente est le même pour ces deux filles, une société qui a beaucoup de mal à faire de la place à la jeunesse.


La réalisatrice insiste aussi sur le rapport fondamental entre mère et fille. Clotilde Courau, qui joue la mère désemparée de Mélanie et Sandrine Bonnaire, dans le rôle de la mère accompagnatrice mais désemparée de Sonia sont remarquables dans leur interprétation. Impuissantes, dévastées face à la méconnaissance de la soudaine situation à laquelle elle font face. Les pères, interprétés par Zinédine Soualem et Yvan Attal, sont eux moins présents ; on sent la difficulté pour eux, ils ne parviennent pas à réagir et à s'exprimer sur la situation.


A noter la présence remarquée de Dounia Bouzar, anthropologue qui vient en aide aux familles touchées par la (dé)radicalisation et interprétant son propre rôle. Ses paroles sont tout à fait fondamentales puisque ses explications didactiques sont celles qui permettent à Sonia de différencier Islam et islamisme et donc de sortir peu à peu de l'embrigadement ; pour le spectateur cela évite également toute possibilité d'amalgame.



Une fiction terrifiante de réalisme



Malgré tout, ce film n'est pas un documentaire mais bien une fiction. Mais cette fiction, terrifiante de réalisme et d'une crédibilité intense irait presque nous faire penser à un documentaire. Il est ainsi important de souligner le talent des deux jeunes actrices qui n'y sont pas pour rien si cette fiction tend autant vers la réalité. Surtout quand on sait qu'elles ont commencé à tourner seulement trois jours après l'attentat au Bataclan ! Noémie Merlant, qui interprète brillamment Sonia, un rôle fait sur mesure et Naomi Amarger, dont la sincérité de jeu donne une puissance singulière à son personnage Mélanie, sont tout simplement époustouflantes !



Le cinéma dans toute sa grandeur !



Seule cette réalisatrice Marie-Castille Mention-Schaar pouvait parvenir à traiter d'un tel sujet grâce à la finesse de son écriture et de sa réalisation.
Celle-ci s'attache toujours a faire un travail d'information et de documentation sur ces sujets d'actualités dures à traiter au cinéma. Un travail en profondeur de la part de la réalisatrice comme des actrices qui se ressent et aboutissant à un film brillant.


Au final on ressort de la séance le ventre noué. Un film bouleversant ! Même s'il s'avère difficile pour un film d' 1h44 et qui en faisait trois au départ de résumer avec justesse l'embrigadement , ce film le réussit plutôt bien et s'avère être réellement essentiel. Un résultat impressionnant et qui mérite d'être montré à toutes et à tous, notamment aux plus jeunes ! Ce film nous questionne, nous émeut, nous tient en haleine pour mieux comprendre notre société et mieux prendre conscience du monde qui nous entoure.

gregquelain
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 7 oct. 2016

Critique lue 1.4K fois

9 j'aime

1 commentaire

GG QN

Écrit par

Critique lue 1.4K fois

9
1

D'autres avis sur Le ciel attendra

Le ciel attendra
AnneSchneider
9

Jeux de miroirs

Construit autour d'une scène pivot qui ne surviendra que vers la fin, le film procède au rythme d'un montage parallèle dont on ne comprend que tardivement le décalage temporel, puisque les...

le 20 oct. 2016

14 j'aime

7

Le ciel attendra
Moizi
1

Film d'horreur pour tes parents

J'ai regardé ça pour voir l'évolution de la réalisatrice Marie-Castille Mention-Schaar qui est quand même passée de "Ma première fois" (avec Bowling entre temps que je n'ai pas vu) à les Héritiers,...

le 4 oct. 2017

12 j'aime

1

Le ciel attendra
Johannes_Roger
3

Critique de Le ciel attendra par Johannes Roger

Les bonnes causes ne font pas forcément de bons films. Ici le sujet est traité avec les gros sabots habituels du cinéma français. Scènes tire larmes suivies de leçons de morale ne laissant place à...

le 4 nov. 2016

11 j'aime

10

Du même critique

J'ai perdu mon corps
gregquelain
9

Redonner un sens à sa vie

Long-métrage d'animation, J'ai perdu mon corps nous plonge dans une exploration sensible de nos sens. C'est la perte de notre corps - et des sens qui y sont directement liés - qui offre la...

le 10 nov. 2019

2 j'aime

Genèse
gregquelain
9

Un moment suspendu

Une histoire d'amour au cinéma ? Du déjà vu m'en direz vous. Et pourtant, Genèse se distingue. Au cœur du concept de sentiments, Genèse dresse le portrait des premiers relations, ces premières...

le 5 nov. 2019

1 j'aime

Grève ou crève
gregquelain
8

"Tu m'as envoyé de la fumée dans l'oeil"

1er long-métrage réalisé par Jonathan Rescigno, Grève ou Crève revient sur le combat social mené et remporté en 1995 par les mineurs de sa ville natale, Forbach. Celui qui s’est imposé comme « le...

le 2 déc. 2020