Celle d’une passion qui aurait pu les opposer et qui les réunis, étant déjà dans le partage de leur amour simple et ordinaire; ils vont tutoyer le ciel.
En substance le résumé de ce film, moderne avant l’heure, de Jean Grémillon, grand cinéaste méconnu. Il n’y a qu’à regarder les « Voyages à travers le cinéma français » de Tavernier pour prendre goût à l’œuvre de ce cinéaste.
« Gueule d’amour » (37) où la beauté ne suffit plus sans l’apparat : Gabin formidable et la délicieuse vénéneuse Mireille Balin.
« Remorques » (41) encore Gabin, viscéral dans son rôle de capitaine de remorqueur où l’inexorable a les traits de Michèle Morgan…
Et les peu connus « Lumière d’été » (43) ou bien encore « L’étrange monsieur Victor » (38) avec un Raimu surprenant !
Ici donc ce beau « Le ciel est à vous » (44). Beau dans la simplicité de ce qu’il raconte et par une glorification discrète, tenu par deux comédiens superbes d’humilité, transcendé par l’humanité du réalisateur : Madeleine Renaud et Charles Vanel.
Lui, presque rompu à l’exercice tant il marque le cinéma social de l’époque : « Les croix de bois » (31 – Raymond Bernard), « Faubourg Montmartre » (idem), « Les Misérables » (33 – R. Bernard) où il incarne un Javert rongé, « La belle équipe » (36 – Duvivier), formidable meneur discret, ou encore « Jenny » (37 – Carné). Et Madeleine Renaud, une vie de théâtre à elle seule, avec son second mari Jean-Louis Barrault…
Et quelques belles choses de cinéma : 3 autres Grémillon; « Remorques« , « L’étrange monsieur Victor » et « Lumière d’été« , « Le plaisir » (52-Ophuls) ou « le diable par la queue » (69- De Broca) dans lequel elle campe une délicieuse grand-mère irrévérencieuse avec un naturel confondant.
Les deux comédiens ici composent un formidable duo, un couple épatant; ils sont en osmose, en communion, tant l’humanité des rôles et la leur, se complètent, se répondent et cela donne ce film touchant et intelligent.
Et Grémillon accompagne par une mise en scène fine, jamais pesante, un montage subtil où les plans parlent d’eux-mêmes. Tout de ce film est simplicité dans son expression et c’est cela qui nous le rend attachant.
Et bien avant que nous fassions face aux fulgurantes féministes, Grémillon mettait les femmes à l’honneur, sagement, sans esbroufe, sans véhémence, avec le seul poids de son cœur.
Ce que montre « Le ciel est à vous » mais aussi « Remorques » ou « Lumière d’été » -trois films réalisés pendant la seconde guerre mondiale- et ce féminisme culminera avec le beau « L’amour d’une femme » avec Micheline Presle.
Alors oui, Jean Grémillon est un cinéaste quelque peu oublié dont il faut se souvenir d’urgence !
EB
CineVu