Quelques dix ou vingt ans avant Herzog (selon le film qu'on choisira de se rappeler), des scientifiques - qui n'en sont plus guère d'ailleurs dans le feu de l'aventure - ont eu une folie bien voisine de l'autre côté de la montagne cinématographique, le versant documentaire. Et le résultat n'est pas moins saisissant, que ce soit dans la rencontre avec les hommes que personne n'avait encore vus ou que ce soit avec la barrière montagneuse qui les protègeait alors de toute incursion étrangère. En 1959, alors qu'une sonde soviétique prend des clichés de la face cachée de la lune, une équipe se lance à la découverte de zones que les cartes ignorent, entre le sud et le nord de la Nouvelle-Guinée-Papouasie. Le commentaire est omniprésent mais sans emphase, et l'image - à une exception près - est toujours documentaire et s'en tient au point de vue qui la rend possible : l'équipe d'exploration, faite de porteurs et d'européens, hollandais ou français.
Le film véhicule encore le frisson laissé par ces centaines de coupeurs de tête approchant sur des dizaines de pirogues alignées comme une armée vers l'équipe scientifique, le frisson devant un paysage dont les replis nouveaux semblent plus vouloir engloutir que protéger, le frisson devant des cérémonies festives qui laissent également bouche bée de beauté et de puissance collective, non sans quelques touches de tendresse et de rires - mais seulement lorsque les hommes des forêts et des montages ont daigné se faire voir, car c'est peut-être la plus grande force secrète du film : les ombres impénétrables de la forêt, les replis infranchissables de la montagne et les hommes qui auront choisi de laisser passer ce cortège sans se faire voir, sinon à quelques signes d'habitation ou quelques sons nocturnes.