The Fifth Élément : Proposition étonnante de SF colorée et décomplexée par un frenchy

Le succès de Léon a permis à Luc d’explorer, une seconde fois, la science-fiction, en ayant les moyens financiers pour créer un univers riche et coloré. Proposition en totale opposition par rapport à son premier long métrage : Le dernier combat. Il s’agit d’une véritable révolution dans la mesure où un français a réussi à égaler les américains,en termes de spectacle cinématographique et d’effets spéciaux. C’était la première fois où il y avait un budget pouvant rivaliser avec les blockbusters d’outre Atlantique, tout en réussissant à être rentable.


En 1997, Le cinquième élément est devenu le premier film français de science fiction à remporter un franc succès à l’international, sauf aux Etats-Unis. Une victoire supplémentaire pour ce réalisateur que peu de cinéastes français peuvent se vanter de détenir au moment de sa sortie en salles. C’est un peu notre Star Wars Français, réalisé 20 ans plus tard. Sans compter les récompenses qu’il a reçues.


Bien qu’ayant un budget conséquent, les astres étaient vraiment alignés pour Besson car il a réuni un casting incroyable. Et c’est peu de le dire.


Pour commencer, nous avons Bruce Willis en Korben Dallas, sortant de plusieurs succès consécutifs (Pulp Fiction, Une journée en Enfer) et ayant côtoyé la science fiction dans l’armée des 12 singes de Gilliam, qui joue le héros principal peroxydé, solitaire, en quête de la femme parfaite. Sacré défi, même pour cet acteur !


Gary Oldman dans le rôle du méchant de service, Zorg, beaucoup moins charismatique que celui de Léon. Je suis assez désappointé de sa prestation pour reprendre le vocabulaire de son personnage ;-) Je l’ai senti beaucoup moins impliqué, presque en roue libre.


Ian Holm est un prêtre, Vito Cornélius, ayant laissant son empreinte dans un bijou filmique de la science-fiction, Alien, caractérisé en un instant par sa boucle de ceinture. J’apprécie cette qualité de mise en scène : celle de mettre en évidence des éléments significatifs, en un plan et sans paroles, pour faire avancer l’intrigue rapidement. Son sidekick un peu simplet, David, est joué Charlie Creed-Miles dans l'un de ses premiers rôle. Il est plus connu aujourd'hui pour son personnage dans Peaky Blinders (Billy Kimber).


Brion James, ayant connu une certaine renommée grâce au magnifique Blade Runner de Ridley Scott, en Général Munro, ayant la faculté de décongeler assez rapidement. Est-ce un humain ? Je vous laisser deviner.


Luke Perry (Billy) fait une apparition en tant que dessinateur peu diplomate avec les étrangers. Pour beaucoup, il restera l’inoubliable Dylan dans la série Beverly Hills 90210, série phénomène pour ados dans les années 90.En 97, il avait également joué le rôle principal dans le sympathique téléfilm de science-fiction Invasion scénarisé par Rockne S O’Bannon (Farscape) d’après le livre de Robin Cook. Il s’agit sans doute de son apparition la plus célèbre dans le 7ème art, avant sa dernière dans Il était une fois…. Hollywood de Quentin Tarantino. Qu’il repose en paix.


Tommy Lister incarne un des premiers présidents noirs des Etats-Unis à l’écran, avec une certaine décontraction.


Chris Tucker (Ruby Rhod) livre une prestation excentrique et volubile pour le spectateur. Personnellement, j’ai trouvé qu’il était dans un surjeu assez horripilant. Heureusement, il ne le fait qu’entre 5 à 7. Un an plus tard, il est devenu une star de la comédie avec Rush Hour.


Et bien entendu, la révélation féminine du film : Milla Jovovich en Leeloo, très légèrement vêtue, que certains avaient déjà vu dans Chaplin ou le retour du lagon bleu. Elle va d’ailleurs devenir la femme du metteur en scène. Il n’y a pas dire, il a de la suite dans les idées. Ainsi, il a réussi à faire jouer son ex (Maiwenn) et sa future dans un même film. Fini les potins, revenons-en à l'essentiel !


Le scénario est un croisement entre une histoire de Métal Hurlant et de Valerian.En effet, l’influence de Métal Hurlant est présente dans les dessins de Jean « Moebius » Giraud ainsi que la fameuse planète détruisant tout, incarnation du Mal Absolu. Difficile de ne pas faire un lien avec la comète qui corrompt tout du magazine précité.Il y a la présence de Jean-Claude Mézières dont l’apport est visible non seulement dans le design du taxi de Bruce Willis (Korben Dallas), le vaisseau du restaurant chinois ambulant. Même le bestiaire a l’air de s’être échappé d’un de ses albums comme l’ami multicolore de Zorg. Cela démontre déjà l’amour de Luc pour cet univers qu’il adaptera 20 ans plus tard : Valerian. Sans oublier, la chevelure rousse de Leeloo étant un clin d’œil au personnage de Laureline accompagnant Valerian (ici, sous les traits de Korben Dallas) dans ses aventures. Ces références essentiellement françaises expliquent certainement l’accueil assez froid du public américain envers ce film, malgré la présence de Bruce « John Mc Clane » Willis, hyper bankable dans les années 90.


Un aspect étonnant dans le cinquième élément est la présence quasi-constante de l’humour. Chose rare dans la science-fiction sauf dans la parodie : SpaceBalls ou Galaxy Quest. Son utilisation fonctionne assez bien grâce au montage de différentes scènes montrant l’arrivée d’un orgasme, par exemple, ou celles permettant à certains personnages de parler, comme s’ils commentaient la scène précédente découverte par le spectateur, tout en faisant avancer l’intrigue. Parfois, il est trop appuyé comme dans la scène de la découverte de la bombe par Ruby.


Côté costumes, ils ont un côté décomplexé et ambivalent, en terme de coupe et de couleurs, tout comme son créateur Jean-Paul Gaultier. Ce dernier a contribué à rendre encore plus étrange le film de SF dystopique de Jeunet et Caro : Les enfants de la cité perdus. Ici, les costumes de Chris Tucker auraient très bien pu être portés par une femme. Cela donne un côté excentrique et parfois too much au long métrage. Matthieu Kassovitz en fait les frais en portant l’affreux chapeau en forme d’écran de télévision. Sans oublier, la protection en plastique au niveau du crâne et des costumes de Gary Oldman en font un ennemi de pacotille. Ainsi, certains personnages sombrent dans le ridicule alors que ce n’est pas le sentiment que le spectateur devrait éprouver à leur égard. Surtout pour les méchants de services.


L’actrice française s’en sortant le mieux est Maiwenn Le Besco interprétant la Diva. Son rôle est important dans le déroulement de l’intrigue, tout en restant un vrai mystère, autant pour Bruce Willis que pour le spectateur. A travers ce personnage, Besson introduit, avec audace, un élément atypique dans le genre de la science-fiction : l’Opéra. Kubrick ayant déjà mis de la musique classique dans son 2001 l’odyssée de l’espace, il a trouvé ce moyen pour se démarquer. Ici, la prestation de Maiwenn est une belle parenthèse mélancolique sortant du classicisme des productions formatées pour plaire au plus grand nombre. Malheureusement, elle est synchronisée avec les scènes montrant ce qui se passe avec Leeloo au même moment, pour une question de rythme afin que le spectateur ne s’ennuie pas.


En comparaison, le rôle anecdotique de Matthieu Kassovitz est le pire. Je n’ai pas compris la plus value de son apparition, à part être présent dans le film français de SF le plus cher de l’histoire. A noter, une figuration insolite de Mia Frye en tant que Miss Gemini Crocket davantage connue pour ses talents de chorégraphe et sa participation dans Popstar. C’était un geste de Besson pour la remercier d’avoir participer au Clip Mon légionnaire de Gainsbourg mis en scène par ses soins.


Au niveau de la bande originale, le réalisateur a mis du Raï dans son long métrage avec la chanson Alech taadi de Khaled, lors de la course poursuite en taxi montrant sa diversité musicale, très loin des standards habituels de la science fiction. A travers ces choix artistiques étonnants et parfois audacieux, Luc Besson veut sortir des codes habituels du genre abordé pour donner une originalité à ses œuvres, même si elles ne sont pas du goût de la majorité. La musique de Eric Serra dynamise certaines scènes, tout en étant bien intégrées dans le montage de ces dernières.


Besson s’amuse à placer de multiples références à plusieurs films de science fiction ou non dans son long métrage. La dernière scène m’a fait penser à Moonraker, le James Bond se déroulant dans l’espace. Quentin Tarantino n’est pas le seul à être doué dans cet exercice. D’ailleurs, en regardant le cinquième élément, j’ai l’impression que Besson avait déjà en tête de produire Taxi lorsqu’on découvre celles se retrouvant dans le film avec Samy Naceri.


En 1997, un autre français Jean-Pierre Jeunet proposa également un film de science-fiction beaucoup plus sombre : Alien Résurrection. Ce dernier n’a pas eu autant de succès que l’œuvre plus légère de Luc. Certainement parce qu’Alien 3 clôturait admirablement la saga… Cette année-là avait été exceptionnelle dans la mesure où elle a permis au public de découvrir deux propositions de SF, avec un budget confortable, à quelques mois d’intervalle, réalisées par des frenchy.


Étant un grand fan de Bruce Willis, à l’époque, il était impensable que je passe à côté de ce cinquième élément. Après plusieurs visionnages, je préfère la VF à la VOSTFr, malgré un changement de doubleur effectué, ici, pour la première fois par Bernard Métraux. Lors de sa découverte en salles, cela m’avait surpris mais pas dérangé plus que ça.


Depuis ses débuts en tant réalisateur, tous ces films se situaient soit dans des atmosphères crades et sales (Le dernier Combat en mode post-Apo et Subway avec ses artères souterraines) soit dans des tons assez dramatiques ( Le grand bleu) ou dans des univers violents (Nikita et Léon).Il signe là son premier long-métrage positif avec des personnages hauts en couleur, de l’humour et un message bienvenu pour l’humanité. Cela dénote avec le genre de la SF actuelle décrivant souvent des univers où l’espèce humaine est soit envahie par les extra-terrestre ou soit elle est en perdition, notamment pour des raisons écologiques ou de survie l’obligeant à explorer l’univers.


Ainsi, 22 ans après, il fait toujours partie des œuvres de science fiction les plus colorées, au niveau des décors et des costumes, et les plus exubérantes, au niveau des personnages. Chris Tucker en tête.


Et je terminerai en soulignant la beauté de l’affiche française, donnant un aperçu de New York dans le futur. C’est de loin la meilleure par rapport aux autres. Après ce coup d’éclat, Besson va encore surprendre les professionnels du cinéma et son public en proposant une nouvelle version de Jeanne D’Arc. A coup sûr, il ne va pas faire que des heureux. A Suivre.


Hawk, pour qui l’Amour sauve des vies.


NB : Depuis le début de ma rétrospective sur ce réalisateur, je considère que ses films majeurs des années 90 sont avares en bonus sur les différents supports physiques disponibles encore aujourd’hui.

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le 11 déc. 2019

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Hawk

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