Il n'est pas tellement étonnant qu'une star du gabarit de Paul Newman qui possédait à l'époque un gros égo, ait eu envie de passer à la réalisation, et d'ailleurs ce second film de réalisateur après Rachel, Rachel en 1968, fut repris des mains de Stuart Rosenberg qui l'avait commencé, mais à la suite d'une mésentente, Newman a fini par le réaliser lui-même. D'où un petit côté un peu inabouti, mais très léger, ça ne gêne pas le plaisir de voir cette famille de bûcherons de l'Orégon, un véritable clan en effet, soudé et tenu d'une main ferme par le patriarche incarné par Henry Fonda.
Avec Rosenberg, les choses s'arrangeront ensuite puisque Newman en fera l'un de ses réalisateurs fétiches, il lui devait déjà l'admirable Luke la main froide. Ce qui est intéressant dans le Clan des irréductibles, c'est la façon dont sont dépeints les personnages qui se comportent un peu comme les héros de westerns, indomptables, individualistes, et incapables de comprendre que l'Amérique d'hier n'existe plus.
Paul Newman donne un aspect Amérique profonde et sauvage à cette aventure, embellie par de superbes paysages forestiers de l'Orégon, et aussi un punch qu'on peut rapprocher du cinéma de Howard Hawks dans des films comme la Rivière rouge ou Hatari, avec peut-être l'humour en moins, ou de Elia Kazan sur un film comme le Fleuve sauvage qui décrivait aussi la vie anachronique d'une famille dans une Amérique qui se modernise. C'est la vie quotidienne de ces bûcherons que Newman parsème de bonnes scènes intenses (Richard Jaeckel coincé sous un tronc d'arbre) ou étonnantes (lorsque Newman découpe le bureau du syndicat à la tronçonneuse) ; il a su aussi bien s'entourer d'un casting homogène, avec Henry Fonda, Lee Remick, Richard Jaeckel, Michael Sarrazin... et a signé au final une oeuvre personnelle qui aujourd'hui reste peu connue, donc à redécouvrir.