Histoires d'amour
Et ben ça flingue dur dans les critiques ! on se croirait en 14-18 avec les mêmes qui fusillent pour rien. Bah, qu'importe, ce film est un bon moment, sans drame, sans cris, sans haine, hors la...
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le 13 avr. 2019
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Critique rédigée en avril 2018
La classe de 3ème fut une année très riche en découvertes (aussi bien cinématographiques que littéraires) pour moi ; entre autres, en cours en français m'a déjà été mentionné Au revoir là-haut (2013) de Pierre Lemaître, par la suite adapté au cinéma de manière inattendue par Albert Dupontel pour un grand succès commercial et critique lors de sa sortie il y a quelques mois ; et surtout eu l'occasion de découvrir une partie de l'oeuvre de l'écrivain français Jean-Christophe Rufin en commençant par Le Collier rouge (2014), dans un cadre d'étude portant sur la Première Guerre Mondiale.
En ce début d'avril 2018, avant duquel se sont ensuivies une médiocre adaptation de Spirou et Fantasio avec Alex Lutz, la sympathique mais oubliable Ch'tite famille d'un Dany Boon recherchant une nouvelle fois à réitérer le succès de son film de 2008, et quelques comédies françaises plus ou moins bonnes telles que Le Retour du héros, Tout le monde debout, Les Tuche 3 et Love Addict, Jean Becker, cinéaste de renommée nationale pour être l'auteur de films comme L'Été meurtrier (1983), Les Enfants du marais (1999) et La Tête en friche (2010), entame une adaptation du court roman de l'oeuvre de Rufin, que j'attendais avec impatience de découvrir le résultat attendu et espéré.
Le film nous plonge en 1919, sous un paysage d'été étouffant accompagné des aboiements d'un étrange chien attaché à la laisse à un arbre face à une prison, son maître, Jacques Morlac (Nicolas Duvauchelle, Polisse et Dalida), est un héros de la Première Guerre mais y est emprisonné pour une raison que le spectateur ignore. Le juge Lantier (François Cluzet, Intouchables, Les Petits Mouchoirs, Une rencontre, Ne le dis à personne, etc.) est chargé d'intervenir dans cette affaire et entame une longue conversation avec le détenu afin de démêler l'enquête: débute alors une mise en abîme qui va s'entendre en courtes parties sur tout le film, pendant lesquelles Morlac fait part au juge de son parcours, en débutant par son engagement à la Première Guerre jusqu'à son arrestation le jour de la fête nationale; Pendant ce temps, la femme de Morlac, Valentine (Sophie Verbeeck), attend désespérément son retour et,
pour compenser son absence, héberge des soldats en détresse...
Quel est le véritable motif de cet emprisonnement ?
C'est cette question que les images posent au spectateurs dès les premières images, caractérisées par un cadre spatial favorable à une très belle valorisation des images et plus particulièrement des paysages de campagne charentaise (à noter par contre que le roman se déroule au Berry), accompagnant une sympathique histoire d'enquête, simple mais captivante, et tout à fait égale à la qualité du roman que j'ai tant aimé, à mi-chemin entre Jean-Pierre Jeunet avec Un long dimanche de fiançailles (2004), François Dupeyron avec La Chambre des officiers (2001, adapté de l'oeuvre de Marc Dugain), ou encore Christian Carion avec Joyeux Noël (2005, également découvert en 2015 en cours).
D'un rythme soutenu, le schéma narratif est globalement facile à repérer pour ceux qui n'ont pas lu le support de base, et court (d'une durée d'1h25), et si on peut être dérangé, comme moi, par les quelques baisses de rythme marquées par des scènes de dialogues parfois un peu plates, ou encore des scènes obscures un peu vagues, on se laisse sans soucis intéresser par le mystère, dont la solution était pourtant déjà connue de ma part ayant lu le roman, et j'ai pris un vrai plaisir à la redécouvrir.
Concernant la direction des acteurs, c'est du bon! François Cluzet est égal à lui-même, c'est-à-dire: froid, parfois glaçant, personnage(s) souvent détestable... tout ceci mais nuancé, car Becker a réussi à la fois à rendre le personnage un minimum attachant tel que l'a rendu Rufin dans son écrit, en maintenant une performance égale à l'acteur en général. Il signe par ailleurs ici l'un de ses meilleurs rôles à mon goût. Puis, concernant les moins célèbres Nicolas Duvauchelle et Sophie Verbeeck dans les rôles du couple Morlac, ils livrent des prestations convaicantes et adéquates aux personnages originelles.
Autre élément intéressant de l'intrigue (du roman ET du film), la présence du chien. Beaucoup de ceux qui lisent mes quelques écrits sache que je suis particulièrement sceptique à la première vue d'un film en mettant un en scène, car ceux-ci sont souvent très niais et leur présence est souvent inutile si ce n'est pour animer davantage l'intrigue... Ici, il n'en est rien, mieux, le film m'a fait prendre conscience d'un symbolique passé inaperçu sous mes yeux à la lecture du livre: la guerre, cet acte barbare, ne serait-il pas transformateur de l'Homme en animal? L'Homme et l'Animal ne feraient-ils pas qu'un, finalement?
Ces problématiques sont obscurément mises en valeur par
la présence du personnage du chien (nommé Guillaume dans le roman, sans nom ici) durant tout le long du récit raconté par Morlac, car celui-ci l'a accompagné sur le front et dans les tranchées, même durant les batailles. Ici, le chien combat de la même manière qu'un soldat sur deux jambes, et la fin, tant attendue, le montre une dernière fois puisque c'est à cause de cette même idée que le soldat, pourtant considéré comme un héros de guerre, est arrêté: de mon point de vue, il ne distingue quasiment plus, d'un point de vue physique, ce qui diverge l'Homme de la Bête.
Une idée ma foi avantageuse donnant encore plus de matière à l'histoire mais qui, à mon plus grand regret aurait dû être mieux exploitée au final: on y songe réellement qu'à la fin du récit, et à la place celui-ci s'enlisse un peu trop dans un jeu de comique maladroit voire un peu balourd
(le personnage de Louis, parfaite copie conforme du personnage de Germain dans "La tête en friche" du réalisateur, sorti huit ans plus tôt en 2010, c'est-à-dire simple d'esprit et assez mal aimé par les autres protagonistes). Cependant, la sous-intrigue de Valentine est bien amenée et donne une personnalité à un personnage pourtant plutôt secondaire.
Jean aurait pu faire beaucoup mais ne présente au final qu'un bon film français, passant actuellement complètement inaperçu (il n'y a qu'à voir le nombre de notes sur Allociné ou sur SensCritique, ou encore la quasi-absence de témoignages à son propos dans les médias!), malgré le fait que celui-ci possède de (très) nombreuses préciosités mais au final un peu sous-exploitées, qui aurait pu en faire un nouveau produit intéressant à décortiquer dans les écoles (voir Joyeux Noël de Christian Carion).
Un siècle après son achèvement, la guerre est une nouvelle fois dénoncée par une allégorie de sa barbarie et de son impacte sur les soldats, au nombre de 70 millions (dont 10% sont revenus avec d'importants traumatismes), surtout ici, ce qui le distingue des autres films à ce sujet, sur le comportement d'un homme à travers mûre réflexion, véritable résultat d'un contact avec Dieu. Le fils de Jacques Becker signe ici non pas de sa plume mais de son coeur une bonne adaptation du roman, résultat conforme à mes attentes, élevées, mais qui hélas ne semble pas rencontrer le succès espéré qui aurait peut-être égalisé avec la réalisation de Dupontel en novembre dernier si ses nombreuses qualités ne s'étaient pas aussi peu montrées d'entrée de jeu.
Ce roman, par petites touches et avec poésie,
questionne ce qui fait notre identité.
François Busnel, journaliste de L'Express
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Créée
le 18 déc. 2020
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