Film avec Gérard Depardieu – ce serait exagéré de dire qu’il y joue – et Fanny Ardant, qui réussit à être plus exaspérante que Luchini et Dussollier réunis ! En l’occurrence, Luchini en avoué sémillant ultra-théâtral, c’est une des rares réussites de cette version du Colonel Chabert, avec l’adaptation de la scène d’ouverture du roman – l’étude donc, pas la reconstitution d’Eylau. Cette production semble avoir misé beaucoup sur la reconstitution – décors, costumes –, et rien sur la direction d’acteurs, malgré une distribution clinquante. J’ai l’impression que c’est un trait partagé par les adaptations littéraires françaises de l’époque (Cyrano de Bergerac en 1990, la Reine Margot en 1994, le Hussard sur le toit en 1995…)
L’intrigue vaut ce qu’elle vaut – elle est peut-être la moins ennuyeuse des intrigues réalistes de Balzac –, le film y est plutôt fidèle en-dehors des vues d’Eylau. Difficile de reprocher aux scénaristes d’avoir condensé certains personnages, et évidemment fait disparaître les digressions. Dommage en revanche que le thème du double – Chabert / Derville, Chabert / la comtesse – ne soit presque jamais traité comme tel ; on y perd en richesse, d’autant que la comtesse est ménagée par rapport au roman sans y gagner en ambiguïté. Elle ferait une intéressante figure du Mal en étant plus machiavélique, une victime de la Restauration crédible en étant moins dominatrice, et un personnage extrêmement fort en conjuguant les deux ; or, ici elle manque singulièrement d’épaisseur, et se contente d’un vague mi-figue-mi-raisin qui révèle plus de tiédeur qu’elle ne montre d’ambiguïté. Yves Angelo n’a pas tranché entre un propos psychologique et un propos social, à moins que Fanny Ardant soit tout simplement incapable de jouer qui que ce soit.
Bon, à part ça, les ours blancs se trouvent bien déjà chez Balzac. Dans une seule phrase, que je n’aurais pas relevée à la lecture si je n’avais pas vu le film avant de relire le roman.