Un des romans les plus accessibles de Balzac adapté au cinéma par Yves Angelo en 1994.
On note quelques petites différences entre roman et l'adaptation. Notamment dans la conclusion. Alors que le roman reste féroce sur l'injustice commise sur le colonel qui préfère conserver son honneur face à l'ignominie et se retire, avec tout son mépris, laissant la comtesse Ferraud maîtresse du champ de bataille, le film transforme l'avoué, écœuré par tant de turpitudes, en une sorte de justicier (soft).
Mais c'est un détail qui fait plaisir dans le film car la comtesse va beaucoup perdre … Je m'interroge un tout petit peu sur la vraisemblance car un notaire est plutôt homme à ménager la chèvre et le chou. Surtout si la chèvre a du pouvoir et si le chou est bien gras.
Ce qui est excellent dans le film c'est la distribution où on retrouve un très convaincant Gérard Depardieu dans le personnage du Colonel. Il porte en lui la violence de l'ancien soldat toujours prêt à se lancer à l'assaut et pourfendre l'ennemi tout en restant capable de tendresse pour cette "épouse" lorsqu'elle lui fait les yeux doux ou fond en larmes. Depardieu restitue bien cette double personnalité du Colonel Chabert. Comme dans le roman, le héros sort perdant et pauvre mais la tête haute.
Mais la distribution comporte plusieurs autres acteurs comme Fabrice Luchini dans le rôle de maître Derville. Luchini est un acteur qui me surprend toujours. Je ne l'apprécie pas a priori (son ton affecté, théâtral, son allure, je ne sais pas trop) mais force m'est de constater que chaque fois que je le rencontre au détour d'un film, je le trouve très bon. Et ici, c'est bien le cas : un brin cauteleux, un brin précieux, plein de subtilité mais homme prêt à se battre (dans les prétoires) dès lors qu'il accorde sa confiance à son client. Comme je disais au début, Angelo pousse un peu plus le trait sur la pugnacité du personnage de Derville que Balzac ne fait (en se souvenant que ce dernier affectionne beaucoup Derville dans ses romans).
Il y a aussi la comtesse Ferraud, bien sûr, bien interprétée par une Fanny Ardant parfaite dans un personnage ambitieux et cupide auquel il manquera toujours la bonne naissance. Son personnage est un peu plus étoffé que dans le roman et c'est un bon choix. Elle n'en est que plus antipathique dans sa haine pour ce Colonel ressuscité et qui ne peut que la gêner dans son ascension …
Certains personnages secondaires sont assez délicieux tellement ils sont représentatifs de ce qu'on peut trouver dans la Comédie Humaine : le comte Ferraud interprété par André Dussolier qui porte comme une croix son mariage avec la comtesse, née Rose Chapotel … Ou le personnage interprété par Claude Rich qui joue superbement l'intrigant cynique de cette Restauration expliquant les bonnes règles du jeu pour espérer atteindre le Graal de la Pairie.
Pour conclure, Angelo a bien réussi l'adaptation de ce roman de Balzac dont on retrouve bien l'ambiance et surtout ce superbe personnage hors normes du colonel Chabert.