Premier film officiel de Sergio Leone, le Colosse de Rhodes est une des rares réussites du péplum italien qui au contraire des péplums américains, a tendance à accuser un côté démodé, ça reste gentiment kitsch, mais je m'étonne encore une fois de voir des notes assez basses, moi je n'ai pas peur d'assumer mon choix, car ce péplum reste un peu au-dessus des autres qui étaient pour beaucoup réalisés un peu à la chaîne à Cinecitta, sans trop d'originalité et sans grande ambition, même si on dénombre quelques réussites. On doit cette réussite à Leone qui avait déjà co-réalisé les Derniers jours de Pompéï en 1959 , en reprenant le film lorsque le réalisateur Mario Bonnard est tombé malade ; 2 ans plus tard, on lui confie donc la réalisation d'un péplum (parcours presque obligé de tout réalisateur italien à cette époque) où il est crédité comme seul réalisateur, avec comme assistant le jeune Yves Boisset. L'année suivante en 1962, Leone assistera Robert Aldrich venu en Italie réaliser le péplum à grand spectacle Sodome et Gomorrhe, avant de se lancer dans le western lorsque le péplum sera sur le déclin en 1964-65.
Le budget attribué, le soin apporté à la direction artistique et aux trucages, le casting avec 3 vedettes (l'Américain Rory Calhoun un peu oublié à Hollywood, l'Italienne Léa Massari avant d'entamer sa carrière française, et le Français Georges Marchal, bel athlète habitué du péplum italien), et le fait que Leone ait cherché à rompre avec le style habituel de ces productions ont contribué au succès du film.
Mais Leone ne cachait pas son mépris pour ce cinéma populaire, j'ai lu une interview de lui où il déclare : "Une immense quantité de bêtise s'accrochait à ces productions. Moi je ne voulais pas participer à cette crétinerie, j'avais envie de me moquer de tout cela. Je devais utiliser la structure de base par respect du public, mais à partir de ces axiomes, je pouvais tout imaginer..." Ainsi, Leone a respecté la structure du genre pour mieux la renverser, c'est pourquoi son style qui éclatera dans le western est un peu apparent ; à mi-chemin entre la fidélité au péplum et l'outrance qui la démystifie, il se révèle un réalisateur habile notamment dans les scènes de foule, et un petit côté décalé. Il ne lui restera plus qu'à orienter dans une nouvelle direction ce mélange de références et de dérision pour donner au western italien ses lettres de noblesse. Les dernières scènes avec l'écroulement du colosse (événement véridique mais ici romancé) sont assez réussies. Un petit fleuron du cinéma populaire italien.
Petite note historique : à noter que le Colosse de Rhodes qui était une gigantesque statue de bronze d'Hélios (le soleil), érigée à l'entrée du port comme on le voit dans le film, fit partie des Sept merveilles du monde antique, au même titre que le Parthénon d'Athènes, le phare d'Alexandrie ou les Pyramides d'Egypte... Erigé en 280 av J.C., il fut endommagé par un tremblement de terre en 224 av. J.C. et définitivement détruit en 672 de notre ère. Sa construction très complexe voire quasi impossible (surtout en bronze) est remise en cause par les archéologues.