Imaginez que l'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet soit en fait un vampire de 250 ans, originaire de France, ancien soldat de Louis XVI, ayant traversé l'Atlantique, s'étant fait passer pour mort en 2006 pour échapper à des poursuites judiciaires. Ah oui, c'est aussi un tueur en série qui se nourrit des cœurs, passés au mixeur, de ses victimes pour se maintenir en vie. On le retrouve désirant enfin mourir, lassé de l'ennui de son existence isolée, de la pourriture qui règne dans son entourage (dont il est en grande partie responsable !), de ce qu'il considère comme de l'ingratitude de la part de ce qui était son peuple.
Ben, imaginez qu'un compatriote du Monsieur pas très gentil, le cinéaste Pablo Larraín, grand spécialiste de biopic maniéré sur des figures historiques naviguant dans les arcanes du pouvoir et qui a déjà réalisé plusieurs autres films liés au régime de Pinochet, l'a fait.
Il ne faut pas être un grand spécialiste en analyse pour comprendre que le vampirisme symbolise ici un mal qui perdure et qui ne s'arrête pas à la mort des êtres qui en sont les plus grandes incarnations. Le vrai Pinochet, celui de la réalité, est mort. Pourtant, son fantôme continue de hanter le Chili.
Si l'idée de départ est intrigante, que l'ensemble est généreux en séquences bien gores, pendant ses deux premiers tiers, El Conde a la fâcheuse tendance à tourner méchamment en rond, dégageant l'impression de se répéter sans cesse, avec des scènes du même type, de ne pas avancer en quoi que ce soit. Et ce qui est symptomatique de ce défaut est le personnage mal défini de la nonne dont je n'ai pas tout simplement saisi l'utilité, sa fonction dans l'intrigue, à part mettre en exergue par des échanges de dialogues bien lourdauds, placés sans naturel, sans que cela paraisse couler de source, les actes criminels et les actes frauduleux commis par le tyran et ses proches.
Heureusement qu'un rebondissement inattendu (dont je ne révélerai pas la teneur, bien sûr !) vient relancer le tout ainsi que l'intérêt du spectateur commençant à somnoler que je suis, dans le dernier tiers, pour nous interroger sur le rôle que les pays dits démocratiques apportent de légitimité à des régimes autoritaires et sanguinaires quand cela répond à leurs intérêts.
Dommage qu'il faille attendre aussi longtemps dans le visionnage pour avoir enfin quelque chose qui soit à la hauteur d'un sujet et de son traitement, peu banal, donnant lieu à une grande profondeur réflexive.