Le Comte n'est pas bon !
Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise adaptation, il y en a des fidèles et d'autres qui s'éloignent plus ou moins du matériau d'origine. Et la qualité d'un film, issu d'une adaptation...
Par
le 1 juil. 2024
198 j'aime
42
⚠️ Une maintenance est prévue ce Mercredi 4 décembre de 9h00 à 13h. Le site sera inacessible pendant cette période.
Ce Comte de Monte-Cristo est nativement sujet à la comparaison et je l'aborderai donc sous cet angle car je n'ai pu - à regret - me départir des deux comparaisons que j'avais à l'esprit en visionnant le film et a posteriori (je vous prie de me pardonner pour l'aspect un peu décousu de ma critique) :
Mais je parle de l'invention parfaitement inutile de la pseudo-sœur de Villefort (alors que c'est son père, pour des motifs autrement compréhensibles, qui est en cause dans le livre), de la romance entre Albert et Haydee, du pseudo-prince (dont les manières de charretier font transpirer à des milles à la ronde qu'il ne l'est pas !) qui finit par liquider son père au moment où la vengeance plus perverse de Dantès devrait s'accomplir, du duel final à l'épée, qui sonne faux, du raccommodage foireux pour expliquer comment Monte-Cristo obtient la confiance de Villefort (je pleure l'absence de l'abbé Busoni et de Lord Wilmore, travesti dans un Lord Halifax parfaitement anecdotique ici), et d'une manière générale de la façon dont se dénoue la vengeance, c'est-à-dire en eau de boudin, là où cela aurait dû manifester le raffinement de supplice machiavélique ourdi depuis 20 ans par Dantès. Aucune gravité, juste un résultat - et encore. Du spectacle commercial. Je parle aussi des bizarreries bien contemporaines : par exemple, j'ai été étonné de voir des soldats de Louis XVIII faire irruption dans une église, en armes, en plein mariage (pourquoi avoir fait ce choix discutable au lieu de respecter l’œuvre, qui professe que l'arrestation a lieu pendant la fête de fiançailles de Dantès ? Pourquoi avoir donné à Mondego une noblesse de naissance, alors qu'il n'est en réalité qu'un parvenu ?) En fait, cela fait une semaine que j'ai vu le film, et j'ai déjà oublié comment il se termine pour les principaux personnages (à part Villefort et son bâtard - assassiné de sang froid dans le dos par un garde du tribunal qui l'eût logiquement plutôt arrêté...). Je crois être de bonne foi, et de bonne foi je pense devoir imputer cette indifférence aux errements scénaristiques finaux des cinéastes.
La mini-série avec Depardieu, malgré quelques autres inutilités ou digressions, me semblait beaucoup plus juste au niveau du scénario, de la pesanteur prise sur la macération de la vengeance, et la froideur implacable de son exécution. Là, ça fait pschitt et vu les choix faits, cela laisse le désagréable sentiment d'être intentionnel : ce film récuse le caractère implacable et donc tragique de la vengeance de Dantès. Après la nullité acide du Prénom, et l'échec scénaristique des Trois Mousquetaires, je crois que je suis hélas en train de prendre en grippe La Patellière et Delaporte.
Autre désarroi : certes les acteurs sont bons, mais ô combien ils incarnent moins dans leur chair les personnages que ceux de la mini-série. A part peut-être Patrick Mille en Danglars et Anaïs Demoustier en Mercedès, qui me semblent à la hauteur de Michel Aumont et Ornella Muti, Niney, Lafitte et Bouillon semblent diaphanes comparés à Depardieu, Arditi (qui m'avait marqué par sa netteté froide, là où un Lafitte minaude péniblement) et Rochefort (bien plus crédible en pair de France). Le jeu d'acteur est bon, je ne le nie pas, le talent est là, mais où est l'épaisseur, bon sang ? Mais c'est l'époque, je crois, qui privilégie des paltoquets aux expressions travaillées par rapport aux hommes denses, de chair et de nerf. Climat de fin d'Ancien Régime. J'admets être dur, mais c'est une réalité que j'ai douloureusement ressentie, et que j'exprime donc maladroitement.
Je finirai mes griefs en déplorant une musique assez anodine. Dommage.
Bref, tout cela n'empêche pas que le film soit plutôt bon, et que ma note soit satisfaisante (celle de ce que j'appelle un "vrai bon film" dans ma typologie) : mais il le doit à deux choses à mon sens : le matériau d'origine (indéniablement bon et qui ressort bien lorsqu'il est respecté), et l'esthétique très réussie (j'ignore si c'est fidèle à l’œuvre, mais le choix de s'appuyer sur la légende du trésor des Templiers donne un topos graphique intéressant ; et je dois souligner la magnificence du palais de Monte-Cristo (un des rares points de supériorité par rapport à la mini-série), ainsi que certains plans réellement remarquables, notamment ceux avec des bateaux). Le reste me laisse un sentiment de gâchis, une fois de plus, qui m'a laissé un goût amer en bouche, que je n'ai pu exprimer que tardivement dans le film, tant je m'étais laissé prendre initialement dans un beau film. Cela avait tout pour être excellent ; cela n'est que bon. Dommage.
Créée
le 24 juil. 2024
Modifiée
le 29 juil. 2024
Critique lue 45 fois
3 j'aime
D'autres avis sur Le Comte de Monte-Cristo
Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise adaptation, il y en a des fidèles et d'autres qui s'éloignent plus ou moins du matériau d'origine. Et la qualité d'un film, issu d'une adaptation...
Par
le 1 juil. 2024
198 j'aime
42
Il faudrait un jour se rendre compte que, finalement, Alexandre Dumas avait déjà tout compris à notre culture populaire avec plus de cent cinquante ans d'avance : le feuilleton, le revenge movie, les...
le 29 juin 2024
87 j'aime
8
Le Comte de Monte Cristo est une histoire intemporelle et universelle qui traverse les âges sans rien perdre de sa force. Cette histoire d’Alexandre Dumas a déjà été portée plusieurs fois à l'écran...
Par
le 30 juin 2024
53 j'aime
14
Du même critique
Une critique humanitaire pour réhabiliter un film très décrié. Alors que le premier opus des Visiteurs est relativement majoritairement apprécié, il semble que sa suite soit mise au rang des (pires...
Par
le 4 juin 2013
26 j'aime
3
Je restais sur une bonne impression de "Candide" avant ma relecture récente. Autant dire que j'ai été vraiment déçu. Je dois être vraiment inconsciemment réfractaire à Voltaire pour ne pas arriver à...
Par
le 12 juin 2011
22 j'aime
Epris de poésie depuis de nombreuses années, je souhaitais parfaire ma culture en m'intéressant vraiment à Apollinaire, poète emblématique du début de la modernité artistique (du symbolisme tardif...
Par
le 6 déc. 2011
21 j'aime