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Ce Comte de Monte-Cristo est nativement sujet à la comparaison et je l'aborderai donc sous cet angle car je n'ai pu - à regret - me départir des deux comparaisons que j'avais à l'esprit en visionnant le film et a posteriori (je vous prie de me pardonner pour l'aspect un peu décousu de ma critique) :

  • Comparaison avec le diptyque des Trois Mousquetaires, d'abord, que chacun a en tête. Et de cette comparaison, le Comte de Monte-Cristo sort vainqueur haut-la-main. Je crois que c'est pour partie ce qui suscite l'engouement depuis sa sortie : tout en restant dans un registre ambitieux par son casting, ses moyens, son esthétique, il évite en bonne partie les écueils des Trois Mousquetaires, qui tenaient notamment à l'écriture, qu'il s'agisse du scénario parfois étonnant ou des dialogues souvent improbables. Le Comte de Monte-Cristo marque une progression indéniable par rapport à cette première adaptation de Dumas et je dois dire avoir passé un bon moment en le visionnant : c'est beau, c'est relativement fidèle à l’œuvre (au moins dans la première partie), le scénario se tient, les dialogues sont satisfaisants, il n'y a pas d'idiotie contemporaine navrante, les acteurs sont bons, bref, c'est du travail soigné, sur un matériau de qualité.
  • Comparaison avec la mini-série de Josée Dayan avec Gérard Depardieu, ensuite, et là, je dois douloureusement dire que cela m'a fait mal. La mini-série n'est pas exempte de reproches, mais, ne fût-ce que dans la fidélité au matériau et dans l'incarnation, le film de 2024 souffre de la comparaison. Faire tenir l'histoire en un métrage de 3h a dû nécessiter des raccourcis ou modifications de l'histoire que j'admets volontiers, mais il est d'autres divergences qui me paraissaient non seulement innécessaires, mais fausses de surcroît, comme si l'on appliquait du mastic de mauvaise qualité sur du marbre de Carrare : ça fait "toc". Je ne parle pas de l'essentiel, car l'essentiel est là.
  • Mais je parle de l'invention parfaitement inutile de la pseudo-sœur de Villefort (alors que c'est son père, pour des motifs autrement compréhensibles, qui est en cause dans le livre), de la romance entre Albert et Haydee, du pseudo-prince (dont les manières de charretier font transpirer à des milles à la ronde qu'il ne l'est pas !) qui finit par liquider son père au moment où la vengeance plus perverse de Dantès devrait s'accomplir, du duel final à l'épée, qui sonne faux, du raccommodage foireux pour expliquer comment Monte-Cristo obtient la confiance de Villefort (je pleure l'absence de l'abbé Busoni et de Lord Wilmore, travesti dans un Lord Halifax parfaitement anecdotique ici), et d'une manière générale de la façon dont se dénoue la vengeance, c'est-à-dire en eau de boudin, là où cela aurait dû manifester le raffinement de supplice machiavélique ourdi depuis 20 ans par Dantès. Aucune gravité, juste un résultat - et encore. Du spectacle commercial. Je parle aussi des bizarreries bien contemporaines : par exemple, j'ai été étonné de voir des soldats de Louis XVIII faire irruption dans une église, en armes, en plein mariage (pourquoi avoir fait ce choix discutable au lieu de respecter l’œuvre, qui professe que l'arrestation a lieu pendant la fête de fiançailles de Dantès ? Pourquoi avoir donné à Mondego une noblesse de naissance, alors qu'il n'est en réalité qu'un parvenu ?) En fait, cela fait une semaine que j'ai vu le film, et j'ai déjà oublié comment il se termine pour les principaux personnages (à part Villefort et son bâtard - assassiné de sang froid dans le dos par un garde du tribunal qui l'eût logiquement plutôt arrêté...). Je crois être de bonne foi, et de bonne foi je pense devoir imputer cette indifférence aux errements scénaristiques finaux des cinéastes.

    La mini-série avec Depardieu, malgré quelques autres inutilités ou digressions, me semblait beaucoup plus juste au niveau du scénario, de la pesanteur prise sur la macération de la vengeance, et la froideur implacable de son exécution. Là, ça fait pschitt et vu les choix faits, cela laisse le désagréable sentiment d'être intentionnel : ce film récuse le caractère implacable et donc tragique de la vengeance de Dantès. Après la nullité acide du Prénom, et l'échec scénaristique des Trois Mousquetaires, je crois que je suis hélas en train de prendre en grippe La Patellière et Delaporte.

    Autre désarroi : certes les acteurs sont bons, mais ô combien ils incarnent moins dans leur chair les personnages que ceux de la mini-série. A part peut-être Patrick Mille en Danglars et Anaïs Demoustier en Mercedès, qui me semblent à la hauteur de Michel Aumont et Ornella Muti, Niney, Lafitte et Bouillon semblent diaphanes comparés à Depardieu, Arditi (qui m'avait marqué par sa netteté froide, là où un Lafitte minaude péniblement) et Rochefort (bien plus crédible en pair de France). Le jeu d'acteur est bon, je ne le nie pas, le talent est là, mais où est l'épaisseur, bon sang ? Mais c'est l'époque, je crois, qui privilégie des paltoquets aux expressions travaillées par rapport aux hommes denses, de chair et de nerf. Climat de fin d'Ancien Régime. J'admets être dur, mais c'est une réalité que j'ai douloureusement ressentie, et que j'exprime donc maladroitement.

    Je finirai mes griefs en déplorant une musique assez anodine. Dommage.

    Bref, tout cela n'empêche pas que le film soit plutôt bon, et que ma note soit satisfaisante (celle de ce que j'appelle un "vrai bon film" dans ma typologie) : mais il le doit à deux choses à mon sens : le matériau d'origine (indéniablement bon et qui ressort bien lorsqu'il est respecté), et l'esthétique très réussie (j'ignore si c'est fidèle à l’œuvre, mais le choix de s'appuyer sur la légende du trésor des Templiers donne un topos graphique intéressant ; et je dois souligner la magnificence du palais de Monte-Cristo (un des rares points de supériorité par rapport à la mini-série), ainsi que certains plans réellement remarquables, notamment ceux avec des bateaux). Le reste me laisse un sentiment de gâchis, une fois de plus, qui m'a laissé un goût amer en bouche, que je n'ai pu exprimer que tardivement dans le film, tant je m'étais laissé prendre initialement dans un beau film. Cela avait tout pour être excellent ; cela n'est que bon. Dommage.

    Volpardeo
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    Créée

    le 24 juil. 2024

    Modifiée

    le 29 juil. 2024

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    Volpardeo

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