Le Comte n'est pas bon !
Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise adaptation, il y en a des fidèles et d'autres qui s'éloignent plus ou moins du matériau d'origine. Et la qualité d'un film, issu d'une adaptation...
Par
le 1 juil. 2024
202 j'aime
42
Nouveau chapitre dans le Dumas cinematic Universe initié par Pathé, Le Comte de Monte-Cristo a la lourde tâche de succéder au diptyque des Trois mousquetaires et au lot de frustrations qu’il avait pu générer. Les choix sont nets : resserrer un roman de 1200 pages en un seul film de 3h, se distancier des choix esthétiques brunâtres de l’essai précédent, et trouver comment lifter le classicisme sans basculer dans l’embarras.
Le premier s’avère une bonne option. Les lecteurs fidèles à Dumas auront évidemment de quoi s’offusquer face aux nombreuses coupes et aménagements du récit, et il faudra accepter de ne voir dans ce projet qu’une nouvelle version du matériau originel. Mais la profusion du récit persiste, et les nombreux spectateurs, notamment de la nouvelle génération qui découvriront cette géniale intrigue pour la première fois devraient y trouver leur compte. Les trois heures sont particulièrement bien exploitées pour restituer le temps long de la vengeance, sans aucune perte de rythme par une habile gestion des ellipses et des montages alternés, soucieux d’équilibrer le temps de présence des nombreux personnages secondaires. La mise en scène assume quant à elle un académisme fédérateur du plus grand nombre, non sans quelques lourdeurs, notamment sur les plans de drone ou un recours abusif à une musique pompière. Le duo Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, déjà à l’écriture sur Les Trois mousquetaires, prend clairement ses distances avec les choix de Bourboulon, et renoue avec un cinéma à l’ancienne, plus propice dans cette intrigue qui joue davantage sur les grands espaces, les stratagèmes en haut lieu et les duels en bonne et due forme que les combats épiques. L’imagerie solaire et colorée, qui a le bon goût de ne pas tomber dans les excès de saturation du tout numérique achève de convaincre pour embarquer le spectateur de la méditerranée aux hautes sphères des citadins.
La réussite du film tient en somme dans son point d’équilibre, et au sérieux avec lequel il s’empare du matériau littéraire. C’est probablement là qu’il convainc le plus : l’académisme, sans être poussiéreux, reste à bonne distance des travers de l’époque, et formule un enthousiasme sincère pour le film d’aventure à l’ancienne sur qui on ne va pas greffer humour mal venu, références méta ou cynisme parodique. De ce point de vue, le casting est aussi à prendre en compte : contrairement à son pote François Civil dans Les Trois Mousquetaires, Pierre Niney convainc parfaitement : débarrassé du statut de jeune premier, il insuffle à son personnage la colère rentrée et une obsession pour la maîtrise nécessaires à sa complexité. Et la valse des personnages autour de lui est à l’avenant, notamment Laurent Lafitte qui adore toujours autant jouer les salopards, ou Anamaria Vartolomei qui se fond parfaitement dans l’univers des superproductions.
Autre changement de stratégie de la part de Pathé, la sortie avancée à l’été, formule nouvelle pour le cinéma français qui laisse généralement ce créneau aux blockbusters américains. En espérant que toutes ces leçons tirées des expériences précédentes, alliées à l’audace d’un pari sur le désir de l’expérience en salle du public puisse être récompensées.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Rumeurs Cannes 2024, Vu en 2024, Vu en salle 2024 et Cannes 2024
Créée
le 28 juin 2024
Critique lue 14.7K fois
260 j'aime
9 commentaires
D'autres avis sur Le Comte de Monte-Cristo
Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise adaptation, il y en a des fidèles et d'autres qui s'éloignent plus ou moins du matériau d'origine. Et la qualité d'un film, issu d'une adaptation...
Par
le 1 juil. 2024
202 j'aime
42
Il faudrait un jour se rendre compte que, finalement, Alexandre Dumas avait déjà tout compris à notre culture populaire avec plus de cent cinquante ans d'avance : le feuilleton, le revenge movie, les...
le 29 juin 2024
89 j'aime
9
Le Comte de Monte Cristo est une histoire intemporelle et universelle qui traverse les âges sans rien perdre de sa force. Cette histoire d’Alexandre Dumas a déjà été portée plusieurs fois à l'écran...
Par
le 30 juin 2024
54 j'aime
14
Du même critique
Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...
le 6 déc. 2014
774 j'aime
107
Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...
le 14 août 2019
715 j'aime
55
La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...
le 30 mars 2014
618 j'aime
53