Le Comte de Monte-Cristo par Mr_Step

Ne pas avoir lu le monument de Dumas a sans doute été un plus dans mon appréciation de cet ambitieux projet.

Académique ? Ce Comte de Monte-Cristo l'est assurément, et on ne lui jettera pas la pierre. Pour adapter 1200 pages en 3h sans endormir ou perdre le spectateur, avec la pression d'un budget si important, il n'était sans doute pas prévu de sortir des sentiers battus.

On regrettera tout de même les lourdeurs de réalisation et les poncifs cinématographiques appliqués comme des calques aux scènes importantes (cette musique souvent malvenue, un montage rapide pour faire avancer l'action , comme la découverte du trésor, ces plans aériens côtoyant maladroitement une proximité excessive de la caméra avec les personnages...).

Pas facile pour un duo issu de l'écriture théâtrale de manier habilement de tels moyens, surtout quand la reconstitution historique est aussi bluffante et la direction artistique si pointue.

Ne boudons cependant pas notre plaisir, certaines scènes sont admirablement exécutées, la fameuse torture psychologique du repas en tête.

Si les réalisateurs excellent bien dans un domaine, c'est dans le choix du casting et sa direction. Les premières interactions entre Anaïs Demoustier et Pierre Niney sont en cela exemplaires : en quelques paroles, quelques regards, un couple amoureux existe sous nos yeux .

Et l'alchimie ne s'arrête pas aux couples. Tous les personnages, qu'on imagine si complexes et touffus dans le roman, prennent vie, apparemment sans effort.

Les jeunes actrices et acteurs brillent toutes et tous, particulièrement dans leurs interactions avec le personnage principal, qui tisse une toile empoisonnée autour de leurs destins.

Même les pourris et leur entourage sont extrêmement réels dans leur vilainie, reflet de leur statut social (militaro-politique, législatif, financier).

Cette tangibilité des personnages étonne d'autant plus que le scénario choisit d'adapter le roman au premier degré, sans chercher à rendre cohérents les travestissements de Dantes. Mais face à un script si sérieusement maitrisé, on consent volontiers à suspendre notre incrédulité lorsque les anciennes connaissances d'Edmond sont abusées par un masque légèrement vieillissant. A ce propos, les tenues gothiques portées par Edmond s'intègrent bien au film, de manière surprenante.

Le poison instillé par la quête de vengeance, la haine dans laquelle Dantes maintient ses protégés aussi brisés que lui, tout en les aimant sincèrement, c'est là où réside toute la tragédie de cette histoire.

Malgré son académisme et sa relative balourdise, le film retranscrit avec brio l'ambiguïté de Dantes, le drame de ces jeunes vies détruites, le dilemme d'Haydée (superbe Anamaria Vartolomei, découverte dans "L'événement").

Je suis ressorti de ce film en comprenant comment cette histoire et ce personnage avaient pu à ce point marquer la fiction. Du "Phantom of the Paradise" de Brian de Palma au Guts de Kento Miura, Edmond Dantés est cette âme brisée qui a déjà cessée de vivre en entreprenant sa vengeance.